From Pierre-Simon Ballanche   26 février 1830

[cachet postal 28 février 1830]

[588]Je t'envoie, mon bien cher et mille fois bien cher ami, une lettre de 750 fr.

Je n'ai fait mettre ni père, ni fils, pour qu'elle puisse être présentée par l'un ou par l'autre.

On nous dit beaucoup que ta santé est bonne, mais je crois que tu as toujours besoin de ménagement ; tu sais combien, en général, les convalescences exigent de ménagements. Si tu vas à Orange, n'y va que lorsque la saison sera bien fixée, car on prétend que le climat d'Orange est un peu austère. Nous avons ici un triple hiver qui a fait beaucoup de mal à bien des personnes. Je crois qu'il a été fâcheux, entre autres, pour Cousin. Il a perdu sa mère ces jours-ci, je voudrais beaucoup qu'il quittât Paris pour quelque temps. Il aurait bien besoin du midi.

Nous avons assisté hier à la 1ère représenta[tion] d'Hernani, qui a eu un plein succès. Mais [illeg] ne compte pas encore, parce que, dit-on, c'était un public de choix. Néanmoins on est d'accord sur le talent poétique. On diffère sur le talent dramatique. Quant à moi, je trouve que le public a réellement fait un grand pas. Au reste, je te dirai que les articles de journaux ne peuvent donner une idée de la pièce, parce que l'analyse doit la présenter comme ennuyeuse, ce qui n'est pas. Sans doute, il y a des choses très belles, mais la [illisible] est tant soit peu extravagante ; et l'auteur, qui a de très riches détails, s'y complaît un peu trop. Je dis que le public a fait un pas, car quoique ici il n'y ait eu qu'un public de choix, cependant il est certain qu'il y a quelque temps on n'aurait pas trouvé un tel public. Les amis de Victor Hugo sont dans l'ivresse. Mérimée surtout triomphe. J'imagine que les amis de ton fils lui écriront surtout cela. C'est une vraie merveille que de voir Paris occupé à ce point de la question classique et de la question romantique à la veille de l'ouverture des chambres, moment si important, et qui sera peut-être une crise.

Tu sais bien cher ami que je m'occupe d'une publication complète. J'ai envoyé des prospectus à ton fils à Marseille. Je lui écrirai à ce sujet. Adieu, bien cher ami, je t'embrasse tendrement, Ballanche. Montbel, Beuchot et Lenoir se portent bien. M. Récamier a été fort atteint par l'hiver. Nous nous occupons tous beaucoup de toi. Soigne-toi bien, aime-nous toujours. La santé de M. Ride est réellement améliorée. 26 février.

[589]Monsieur Ampère, de l'Institut royal de France, poste restante à Hyères, Var

Please cite as “L1024,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1024