From Pierre-Simon Ballanche   19 juillet 1807

[585] Lyon, ce dimanche 19 juillet [cachet postal 1807]

Je vous ai déjà annoncé, mon cher Ampère, que je partais demain pour Montpellier ; je vous ai prié de m'adresser vos lettres dans cette ville où je ne tarderai pas d'arriver. Je vous écrirai de là pour vous annoncer où vous devez m'adresser vos lettres subséquentes. J'espère donc trouver de vos nouvelles en arrivant à Montpellier.

Vous avez, mon cher Ampère, plus d'un confident, car ce n'est sûrement pas moi qui ai trahi aucun de vos secrets. Tout ce que j'ai dit à Camille, il le savait par son ami M. Degérando. Au reste je me suis déjà aperçu que vos secrets vous échappaient souvent. Vous aurez raconté quelque chose à Paris, et cela aura couru de bouche en bouche, il n'en faut pas davantage pour faire un pot-pourri.

Il faut avoir, mon cher Ampère, de la raison : notre projet est décidément cuit et recuit. Les raisons de Camille et surtout celles de M. Degérando sont sans réplique. Au reste, mon cher ami, je serai de retour à Lyon avant que vous soyez arrivé : Camille y sera encore et nous causerons de toutes ces choses là. Pendant ce temps, comme je vous le disais dans ma dernière, j'examinerai le projet d'une manière pratique[586] et je vous dirai sans détour ce dont nous pourrions être capables. Vous dites que vous avez perdu le droit d'arranger votre vie, ne croyez pas cela mon cher Ampère ; au contraire vous devez chercher à l'arranger vous-même A présent que vous voilà malheureusement désenchanté sur plusieurs choses, vous êtes devenu plus propre à la méditation froide et réfléchie.

Franchement notre voyage est impossible. Plus j'y pense, plus je vois que nous ne pourrons réussir. Trop d'obstacles s'opposent à ce projet. Sans nom dans les lettres pour nous produire nous-mêmes ; sans protection, car soyez sûr que jamais M. Degérando ni Camille ne s'y prêteront ; sans assez de fortune pour faire nous-mêmes cette entreprise : que voulez-vous que nous fassions ?

Je désire beaucoup que M. Degérando puisse arranger votre vie, mais cela me paraît bien difficile. Je vous conjure, mon cher Ampère, de réfléchir vous-même sur votre destinée, et de voir enfin ce qu'il faut que vous fassiez.

Adieu mon cher Ampère, je vous embrasse un million de fois, et j'attends de vos nouvelles à Montpellier. Votre bien bon ami. Simon

[587]A Monsieur Ampère, secrétaire du bureau consultatif au ministère de l'Intérieur, rue de Grenelle-Saint-Germain, à Paris

Please cite as “L1034,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1034