From Claude-Joseph Dupras   30 avril 1811

[901] Bourg, le 30 avril 1811
Dupras, sous-principal du collège de Bourg, à Monsieur Ampère, inspecteur général de l'université impériale.
Monsieur,

M. Olivier qui arrive à Bourg, m'apprend que votre départ de Lyon est retardé ; et je profite de cette circonstance pour vous écrire d'une manière toute franche, vous priant de trouver bon que je vous entretienne de mes intérêts, n'ayant pas pu le faire à Bourg comme je le désirais.

Vous avez vu, par l'exposé de nos comptes, que non seulement nous ne sommes pas payés des peines que nous prenons dans le collège de Bourg, mais même que nous sommes en perte en fournissant aux dépenses qu'il exige. Je sais bien que cela tient principalement à la hausse des comestibles et à la suppression de la dotation de la ville, deux causes qui pourront cesser ; cependant je crois être fondé en raison, lorsque je dis que je ne voudrais plus rester sous-principal dans ce collège, ayant une place qui peut être supprimée au premier moment.

J'ai eu l'honneur de vous témoigner que je désirais obtenir une place soit d'inspecteur particulier, soit de proviseur dans un lycée, soit enfin de principal d'un collège en pleine activité, bien monté, et de premier ordre comme celui auquel je suis maintenant attaché. Je vous prie de vous rappeler ma demande dans votre tournée, et de m'être utile, vous laissant à juger à laquelle de ces trois places je puis convenir. Ayant l'avantage d'être connu de vous, Monsieur, je m'abstiens de vous assurer par avance que vous n'aurez qu'à vous féliciter d'avoir été favorable à un père de famille qui n'a d'autre désir que celui de mériter l'estime de ses supérieurs par sa conduite et son exactitude à remplir tous ses devoirs.

Je vous ai dit que, dans le cas qu'on me proposât la direction d'un collège, je désirais qu'il ne fût point à créer, voici mes raisons : j'ai élevé seul la maison d'instruction que vous avez fréquentée dans la rue du gouvernement, et j'ai concouru par tiers avec M.M. Creuset et Olivier à la restauration du collège de Bourg ; j'ai été si mal récompensé de tant de peines et de tant de soins, que je ne puis me résoudre à créer encore un nouvel établissement.

[902] Comme je suis persuadé que vous daignerez parler de moi et de ma demande à M.M. vos collègues, je vous prie de me permettre de vous rappeler les titres que je puis avoir à l'une des trois places que je sollicite.

Je puis justifier °. qu'en 1791, je me suis livré à l'instruction publique dans une école particulière que je formai alors à Bourg. °. qu'en 1792, je fus nommé professeur au collège de Bourg, et que j'y ai rempli avec exactitude mes fonctions jusqu'en 1793. °. qu'à cette époque, d'après une loi, je me rendis aux armées, d'où je ne me suis retiré qu'après avoir été honorablement congédié le 20 pluviôse an 9, pour cause de deux blessures graves qui ne me permirent plus de faire mon service dans la ligne. °. qu'à mon retour dans mes foyers, je formai seul un établissement d'instruction publique qui a été ensuite érigé en école élémentaire. (Je dis seul, parce que M. Olivier qui a été mon associé dans cette école, n'arriva de l'armée que six mois après qu'elle fût montée). °. que cette école secondaire a mérité les suffrages de M.M. Delambre et Villars, inspecteurs généraux des études, qui la visitèrent en l'an XI. °. que j'ai fait le sacrifice de cet établissement florissant et composé alors de 137 élèves, en le transférant dans les bâtiments de l'ancien collège, pour former le noyau de l'école secondaire communale. °. que pendant les sept premières années, j'ai été associé par tiers aux charges et bénéfices de cette école secondaire communale, avec M.M. Creuset et Olivier. °. qu'en 1808 M. Olivier se retira de l'association pour prendre une pension particulière dans Bourg, et qu'ayant entraîné avec lui une partie des pensionnaires du collège, la recette fut en 1809 tellement décimée, que je fis une perte assez considérable par moitié avec M. Creuset, le principal, ce qui décida ce dernier à faire le voyage de Paris pour demander sa retraite. °. qu'à cette époque, et en cette occasion, je crus être victime d'une injustice. On nomma M. Olivier principal du collège à la place de mon associé M. Creuset, me laissant toujours en second, moi qui étais le fondateur et le chef de l'établissement qui avait servi de noyau au collège (vous le savez, Monsieur, la raison de notre association était Dupras et Olivier, et ensuite celle du collège Creuset, Dupras et Olivier). Moi qui étais alors le seul associé au principal du collège, et qui étais resté seul avec lui pour soutenir cet établissement public à nos périls et risques contre le pensionnat particulier de M. Olivier.

[903]Si j'eusse démérité, j'aurais regardé ce passe-droit comme ma punition, mais depuis vingt ans je remplis mon devoir avec soin, j'ai fait des sacrifices pour le bien de l'instruction publique, et voilà la récompense que j'en retire. Il est vrai qu'à cette époque je ne fis aucune démarche pour obtenir le principalat à Bourg, je ne pouvais en faire, ignorant que M. Creuset qui était alors à Paris voulût se retirer, et à vous parler franchement, je n'aurais pas pensé qu'au moment où M. Creuset aurait quitté, restant seul au collège, mes services auraient été oubliés ainsi. Tout ceci me prouve qu'on ne peut parvenir sans protecteur ; je vous prie donc monsieur Ampère, d'être le mien, et de faire vos efforts pour me mettre dans le cas de suppléer aux besoins de ma famille, en m'aidant à obtenir l'une des places que je sollicite.

Pour les deux premières places, je me déciderais à aller dans le pays qui me serait désigné, pourvu que ce fût en France, mais pour le principalat dans un collège, je craindrais m'éloigner beaucoup de mon pays, et encore, pour me déterminer, je désirerais savoir le nombre des élèves, soit internes soit externes, qui fréquentent cet établissement, le prix de la pension et celui de l'enseignement, le nombre des professeurs, la dotation faite par la ville, les charges &c. Si donc l'occasion s'en présentait, je vous prierais de me [faire part] de ces détails autant que vous le pourrez.

Pardon, Monsieur, de ma trop longue épître, mais vous m'aviez promis de vous écrire [illeg] besoin de vous faire part de tout ce que j'avais sur le cœur. Mon épouse se rappelle à votre souvenir en vous priant d'agréer ses respectueux hommages ; et en vous présentant les miens, je désire que vous soyez bien convaincu des sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Dupras.

M. Simon s'est présenté au collège le lendemain de votre départ ; il aurait désiré vous saluer, et il m'a chargé ainsi que M. Raussin de vous présenter ses devoirs. Je désirerais avoir les papiers ou pièces qui me concernent et que M. Tavel de Paris vous remit il y a trois ans environ; si vous les aviez à Lyon, je vous prierais de les entreposer chez mon beau-père.

[904]A Monsieur Ampère, Inspecteur général de l'université impériale, à son passage à Lyon.

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