From Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   9 juillet 1817

[219]ce 9 juillet [1817]
Mon cher papa,

Je quitte au moment même monsieur Cousin qui m'a promis le programme de son cours de philosophie. Tu sens de quelle importance il est pour moi dans un moment où le concours approche. Le 6 août au soir ma composition sera faite, c'est donc un mois juste qu'il me reste jusque là pour me préparer, je ne puis dans ce moment-ci travailler qu'à la philosophie. Le droit lui-même souffre un peu des approches du concours, d'ailleurs comme M. Maugé fait très inutilement classe tous les jours de la semaine excepté[220] le jeudi et le dimanche, et que le mardi et le samedi sa classe se trouve à l'heure du droit, il a écrit à monsieur Boullage pour qu'il ne nous compte pas nos absences. Pour le travail chimique, je l'ai revu ; j'ai ajouté plusieurs corps tels que stéarine, élaïne, cholestérine, mais ce travail est trop important pour que je le brusque dans un moment où j'ai ma philosophie à piocher, il faudra encore le remettre à l'hiver. Je traduis le Don Carlos de Schiller * que j'ai acheté, vu que Philippe avait la guerre de Trente ans.[221] Ce Schiller est difficile comme tous les diables, les Allemands y admirent un luxe d'expressions qui nous paraîtrait ridicule surtout à côté des familiarités qu'admet leur style tragique. P. ex. ils trouvent très adroit que le poète, pour donner à entendre l'amour de la reine pour le fils de son époux, fasse dire par Domingo à Carlos : ... vous souvenez-vous de ce tournoi ... un éclat de lance vint frapper Philippe, on s'écrie le roi est blessé (il y a en allemand der Koenig blühnt, le roi saigne), la reine s'élance de son siège et demande si le prince a été frappé, non lui répond-on, c'est le roi lui-même ; alors la reine se rassied fort tranquillement et dit qu'on aille chercher le médecin ...

Nous renverrions de pareils détails à la comédie, les Allemands les admirent dans la tragédie, pour savoir s'ils ont tort ou raison il faudrait être à la fois Allemand et Français. Je t'embrasse, J.J. Ampère

[222]P.S. J'irai chercher demain ton volume du cours de litt. qui sera mis en vente. Le même libraire a une édition du théâtre de Racine en 5 vol. in-8° ornés de belles gravures, d'après le dessein de Moreau, au prix de 15 fr. les 5 volumes, c.à.d. 3 fr. par volume, ce qui est très bon marché. Passé le 1er septembre, il les vendra au prix de 5 fr. par volume, comme tu ne reviendras guère qu'à cette époque, peut-être ma tante ne ferait-elle pas mal de les acheter pour toi d'ici là. C'est une bonne occasion d'avoir un beau Racine, à bon marché. Réponds-moi là-dessus. J.J. Ampère

A Monsieur le proviseur du collège royal de Strasbourg, pour remettre à M. Ampère, inspecteur en tournée. Strasbourg

Please cite as “L1048,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1048