From François Clerc   13 mai 1814

s.d. [cachet postal peu lisible, 13 mai 1814]
[1]Mon cher ami,

Je commencerai ma lettre par vous prier d'y répondre, parce que vous ne répondez pas exactement à toutes celles que je vous écris. Mais celle-ci sera d'un genre particulier.

Prévoyez-vous quelques changements dans l'organisation et la composition de l'Université, des facultés et des lycées ?

Vous savez que la chaire de philosophie de Lyon est vacante par la mort prématurée et affligeante de M. Gourgu ; puis-je la demander, ou plutôt ferais-je prudemment de la demander ?

A cette question, je vous vois étonné ; c'est parce que vous ignorez que j'ai débuté dans la carrière d'enseignement public par la philosophie. Il y a 25 ans que je fus nommé, après examen, professeur de philosophie, au collège royal de Saint-Claude, d[é]p[artemen]t du Jura. Jeune et escorté des plus belles espérances, je ne trouvais pas le fardeau trop lourd, et je le portai. Les événements politiques me forcèrent à en abandonner moitié, et voilà pourquoi vous ne m'avez entendu parler que de mathématique et de physique. Fortifié par 25 ans d'études et de méditations, je me crois plus apte à occuper une chaire de philosophie, que je ne l'étais alors. Mais revenons...

Si la chaire vacante était compatible avec la mienne, il pourrait que, consultant l'économie, le G[ran]d Maître me l'accordât ; c'est ainsi que M.M. Roux, Guillemet, Mouton et [illisible] appartiennent à la fois au lycée et aux facultés.

Mais M. Gourgu était à la fois professeur de facultés et du lycée ; cette circonstance semblerait exclure toute compatibilité. Je réponds qu'il avait double titre, mais qu'il ne professait qu'à la faculté.

Enfin, si la chaire vacante ne pouvait s'associer avec la mienne, ferais-je bien de la préférer à la mienne ? Il me semble que les cours de mathématiques vont languir avec l’École polytechnique, et que les cours de[2] philosophie vont renaître avec la théologie.

Que me conseillez-vous de faire ? J'ignore encore si le G[ran]d Maître nommera immédiatement, ou s'il ne le fera qu'après un concours, que je ne craindrais point.

Répondez-moi, s'il vous plaît, et apprenez-moi de plus comment vous vous êtes trouvé, comment vous êtes, au milieu des événements rapides et multipliés dont vous avez été témoin et que vous voyez encore journellement. Vous savez bien que je m'intéresse à ce qui vous touche, et que je me glorifie en quelque sorte de tout ce qui vous arrive d'heureux ou de glorieux.

Je vous embrasse de tout mon cœur, Votre ami, pour la vie. F. Clerc P.S. Mme Clerc vous fait amitiés et compliments.

Vous saurez avec plaisir que nos cours n'ont pas férié un instant ; pas même le jour où les alliés sont entrés dans Lyon.  ;[3] Clerc, professeur à Lyon, embrasse son ami M. Ampère. Si quelques lettres à mon adresse arrivent chez M. Ampère, on est prié de les recevoir ; je rembourserai le port. Clerc.

[4]A Monsieur Ampère, Inspecteur général de l'université de France, &c, passage du Commerce, rue de l'ancienne Comédie-Française, n° 19, à Paris

Please cite as “L1050,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1050