From Monnin   26 septembre 1831

[26]ce 26 7bre [septembre] 1831
Monsieur !

Le vingt-deux septembre dernier, j'ai eu l'honneur de vous parler relativement à ma proposition pour se préserver des naufrages. Je pensais encore vous entretenir d'un autre moyen tendant au même but, mais craignant de trop vous déranger voyant que vous étiez occupé, je me suis tu.

Je me propose d'en faire le sujet d'un second mémoire ; mais pour mieux, je désire faire une petite expérience calculée. Je suis peu dans l'aisance, ce motif retardera mon travail.

Vous avez dit avec raison que des outres seraient gênantes : ne pourraient-elles pas être faites de telle sorte qu'elles puissent être gonflées et dégonflées à volonté ? Alors, quand l'orage serait passé, ce ne serait plus que des peaux qui seraient serrées, sans occuper grande place. Ou mieux encore, les laisser continuellement gonflées autour des vaisseaux ; seulement quand l'orage serait passé on les relèverait un peu, afin qu'elles ne flottent pas sur l'eau. De cette manière, elles ne seraient nullement gênantes, et on aurait de plus l'avantage de ne jamais être surpris par l'orage.

J'ai eu un entretien avec un marin qui s'est trouvé dans un cas où l'on s'attendait[27]de moment en moment de voir le vaisseau couler, par suite d'une dégradation qui donnait entrée à l'eau. Pendant que les uns travaillaient à réparer l'ouverture, les autres étaient à la pompe. Le vaisseau était presque rempli d'eau ; et dès que l'ouverture a été bouchée, le danger a cessé, a dit ce marin, quand deux cent livres d'eau de plus l'auraient fait couler. D'après cela, peut-on douter que les outres soient un puissant préservatif et qu'ils laisseraient couler les vaisseaux quand ils se remplissent presque entièrement d'eau, et peut-être tout à fait avant de couler.

Au sujet des matelas, vous m'avez fait observer une difficulté que je n'avais pas prévue, qui est de les arrêter aux vaisseaux. Quand on construit un vaisseau, ne peut-on pas étendre ces matelas entre les parois du double et les y clouer ainsi que les plaques en cuivre ?

Quant aux vaisseaux déjà construits, on obtiendrait approchant le même effet en fixant les matelas en dehors, avec des clous et les recouvrant de planches.

Autre moyen, pour empêcher les vaisseaux de se séparer en se heurtant contre les rochers. Ce serait d'établir des chaînes dans l'intérieur des vaisseaux d'une extrémité à l'autre tant en longueur qu'en largeur en se croisant, et étant arrêtées de distance en distance aux vaisseaux avec des forts clous rivés. On pressent bien que toutes ces chaînes ne seraient point brisées par les chocs des rochers ; et dans le cas où quelques unes le seraient, forcément il s'en trouverait toujours qui ne seraient point cassées, par la raison qu'étant[28] placées en long et en large, il y aurait la moitié de ces chaînes qui ne seraient assujettie à aucun effort et, quoique les vaisseaux, par des chocs extrêmement violents viennent à s'ouvrir ils ne s'en iraient pas en débris et soutenus par les outres, on ne périrait pas, et on pourrait faire les réparations les plus urgentes.

Pardonnez, Monsieur, l'importunité de ma lettre, que j'ai cru pour le bien devoir vous écrire. Puisse-t-elle vous paraître digne d'une brève réponse.

Daignez agréer l'assurance de mon profond respect. Votre très humble et obéissant serviteur. Monnin

P.S. : Mon adresse : Monnin chez monsieur Mottet, fabricant de gants, rue Saint-Denis n°170 à Paris.

Monsieur Ampère , membre de l'Académie des sciences

Please cite as “L1053,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1053