From Proviseur du lycée d'Avignon (nom illisible)   11 juillet 1834

[564] Avignon, le 11 juillet 1834
A Monsieur Ampère, Inspecteur général des études
Monsieur l'Inspecteur,

Avant que vous quittiez notre académie, je tiens à vous convaincre de plus en plus que l'ancienne distribution des classes faite au Collège d'Avignon depuis 1830 était très favorable aux études et que je ne l'avais point faite de mon chef ni sans m'environner des lumières et de l'approbation de tous les intéressés.

D'abord il y avait à cette époque (et encore aujourd'hui l'on n'est pas d'accord sur bien des points), il y avait, dis-je, tant d'incertitude sur la division des classes, que les proviseurs et les recteurs étaient forcés d'émettre une opinion personnelle. Il venait de paraître un nouveau règlement pour les classes que l'on trouve inséré dans le Journal de l'Instruction publique, sous la date du 21 octobre 1830, qui mettait de la chimie en seconde, de la physique en rhétorique, etc., en un mot qui convenait à nos besoins. Ce règlement n'a pas été mis dans le bulletin universitaire, comme[565] nous nous attendions à l'y voir ; mais nous n'avons vu que plus tard que les collèges de province ne recevraient pas l'injonction de l'exécuter. Nous devions donc nous considérer à peu près comme libres dans le règlement de nos classes selon un système ou l'autre. Nous crûmes prendre le plus récent.

Une raison des plus importantes pour employer à des classes inférieures nos professeurs de physique et de mathématiques spéciales, c'est qu'il n'y avait pas d'élèves pour ces classes élevées et nos études étaient si faibles que nous ne pouvions en espérer.

Ai-je donc pris sur moi, comme le dit perfidement une note à ce sujet, ai-je pris sur moi de tout changer selon mon caprice ?

J'en ai conféré avec les professeurs de sciences qui tous ont trouvé à propos et très convenable l'ordre des choses qui leur était proposé. L'un d'eux a même tracé les matières qui devaient être enseignées dans chaque classe. Je vous adresse en communication ce programme. S'il n'a pas été suivi, c'est qu'on a déclaré que la faiblesse des élèves en arrêtait l'exécution pour le moment. Vous verrez clairement et en toutes lettres que deux leçons en seconde sont consacrées à l'enseignement de la géométrie. Vous verrez même quelle espèce de géométrie, ou partie de géométrie, on devait enseigner dans cette classe. Non seulement j'avais pris l'avis des professeurs, mais le tout avait été soumis[566] aux autorités académiques. J'ai sous les yeux trois lettres de M. le Recteur, qui approuve très explicitement cet ordre de choses ; l'une du 16 novembre 1830, l'autre du 10 Xbre même année, l'autre de juin 1833. Je ne les produirai point, mais il me suffira de vous le dire pour asseoir votre conviction personnelle à cet égard. Je me décide seulement à vous communiquer le brouillon du plan qui me fut adressé par l'Académie et que j'ai reproduit dans le tableau que j'affichai dans la cour des classes et que je prends la liberté de vous communiquer avec sa crasse d'une année d'exposition. Vous pourrez reconnaître l'écriture de l'auteur du plan, qui sera loin de le désavouer.

Je veux que vous soyez bien persuadé de deux choses : ° que je n'ai point fait mon plan tout seul, ° que deux séances en secondes devaient être consacrées à la géométrie.

Si les élèves en 1833 ont été faibles en géométrie, c'est un accident qui tient aux élèves ou au professeur. Mais le moyen de rendre plus forts les élèves de seconde n'était pas de supprimer une partie des leçons qu'ils devaient recevoir en troisième.

Les parents ont vivement regretté la destruction de l'ordre des choses établi et plusieurs hauts fonctionnaires de l'université ont regardé comme un mal cette suppression. Mais certes il y avait une grave injustice à me faire subir la peine de la censure en présence de tous mes inférieurs, pour le bien que j'avais voulu faire et que j'avais fait. Car si nos élèves ont montré depuis quelque goût pour les sciences, je soutiens qu'on le doit à la forte impulsion que j'avais donnée.

[567]Je désire qu'il soit fait mention dans votre rapport au Ministre des plaintes amères que je fais de la manière inconcevable dont ont agi à mon égard MM. Maudet et Soulet de l'Isle. Au reste j'ai des plaintes à faire sur d'autres sujets relatifs aussi à cette époque, je les ferai d'une manière éclatante par la presse et par la Chambre des députés, puisque l'on s'obstine à ne pas renier le passé.

Vous pouvez communiquer à Monsieur votre collègue les trois pièces que j'ai l'honneur de vous expédier, et en conférer avec lui pour en faire l'objet d'une note spéciale.

Après tous ces détails fastidieux, je regrette de n'avoir pas plus de place pour vous dire à tous les deux combien votre visite nous a été agréable, et combien le souvenir nous en sera doux. Vous avez pu voir que nous ne demandons point de faveur ni d'indulgence, nous nous contentons de votre probité, de votre justice et de votre véracité. Veuillez présenter mes hommages respectueux et affectueux à l'aimable M. Matter et recevoir pour vous le tribut ordinaire de mon attachement et de ma vénération.

Votre très humble et très obéissant serviteur, [illisible]

Après lecture, ayez la bonté de me renvoyer les trois pièces ci-jointes. A un autre jour pour les discussions sur la mathésiologie...

Please cite as “L1060,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 8 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1060