From Jacques Roux-Bordier   28 décembre 1810

[43] Genève, 28 Xbre [décembre] 1810

Je reçois enfin, mon cher Ampère, une lettre de vous, mais je ne vous gronde pas, parce que je sais que vous êtes extraordinairement occupé et je suis même souvent étonné que vous puissiez suffire à tant de choses.

Je vous en veux si peu, que depuis 15 jours je travaille 2 heures par soirée pour vous, c.à.d. à examiner votre tableau des phénomènes.

J'ai rédigé des observations à ma campagne, sur le tableau que vous m'avez envoyé de Paris, mais celui que vous m'aviez laissé à Lyon chez Bonj[our], quoiqu'antérieur à celui de Paris, étant beaucoup plus complet, j'ai été obligé de recommencer.

J'attaque vigoureusement l'ordonnance de votre tableau. Je vous sape par les fondements. Mais que vous admettiez ou non mes vues, toujours vous paraîtront-elles importantes.

Je vais recopier ce mémoire et j'aviserai aux moyens de vous le faire parvenir le plus tôt possible - afin que vous ne soyez pas arrêté dans le cours de vos travaux -si je viens à modifier vos plans.

Ce mémoire sera l'Ultima de mes recherches métaphysiques. Pour vous j'ai rédigé le mémoire de l'an dernier, sur le Rappel de la connaissance, pour vous j'ai métaphysiqué à ma campagne et vous ai tracé un plan, enfin voilà que je fais des observations sur votre tableau.

En voilà assez. Je vais laisser dormir la Science, et quelque flatteuse que fut [illisible] pour moi la correspondance d'un homme aussi profondément [illisible] que M. Maine de Biran, je n'ai pas le courage de la désirer. Quoique certainement les éloges d'un[44] psychologue supérieur dans sa partie fussent bien propres à me donner l'envie de travailler.

Mais c'est fini. Je n'ai pas le crâne assez large pour avoir un travail facile. J'aime mieux mourir en paresseux. L'attention ne peut pas toujours lutter contre le défaut de capacité.

Je vous remercie bien cordialement des renseignements que vous avez pris sur l'affaire de l'université et j'aurais, d'après toutes vos observations, abandonné le projet en question, si la nouvelle circonstance de la réunion de 10 départements, tous protestants, ne venait appuyer fortement les idées que je vous développais dans ma lettre.

Relisez ma lettre de point en point et voyez si une nouvelle population de 3 millions au moins de non-catholiques ne doit pas déterminer de nouvelles mesures pour l'instruction. Cela ne donnera-t-il pas lieu à créer des places d'[illisible] protestants, ou voulez-vous envoyer en Hollande des prêtres et des abbés ?

Enfin, mon cher, d'ici à quelques temps, je pense qu'il y aura des modifications et dès que vous verrez le jour poindre ou quelque vent favorable à la chose, agissez vers vos amis sans vous compromettre et dans le sens de ma lettre. Je vous donnerai dans le besoin de nouveaux détails sur la personne.

[45]Je n'ai pas de nouvelles de nos amis de Lyon. Châtelain, Bonj[our] ne m'écrivent pas - je leur ai cependant écrit. Mes amitiés à Prial, à Hachette, à M. Vauquelin. Voilà Martin qui nous donne des étrennes.

Je ne sais rien de ce qui se passe en [illisible]. Quand M. Maine Biran publiera quelque chose, envoyez cela et s'il se trouve à Paris, faites-lui lire mes observations sur votre tableau, et communiquez lui de bouche ce que je vous dis au commencement de la présente à son sujet.

Adieu mon cher, portez-vous bien. Votre dévoué Bodmer 1.

[46]Monsieur Ampère, inspecteur général de l’université, cour du commerce n°19, près la rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, Paris
Roux-Bordier signe parfois "Bodmer" ; les raisons en sont inconnues. L'écriture ne laisse cependant aucun doute sur l'identité de l'expéditeur.

Please cite as “L1062,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1062