From Dupré   19 novembre 1814

[528]Aux Ormes, près Poitiers, Le 19 9bre [novembre] 1814 [année incertaine, très peu lisible]

Il a donc fallu partir dans le noir, cher ami, et ajouter cette douleur à toutes les douleurs qui me déchiraient. J'avais besoin de t'adresser mes adieux que je n'ai pas eu la consolation de te faire, et je profite de notre premier séjour pour satisfaire à ce besoin du cœur. Je ne saurais te dire ma tristesse en vous quittant, en quittant un ange que tu verras pour lui remettre sans témoin et sans en parler le billet ci-joint. J'ai passé des heures seul dans une calèche, travaillé par les souvenirs les plus doux à la fois et les plus remplis d'amertume. La pensée de quitter la France cette chère patrie, m'est aussi bien douloureuse. Lorsque dans le doute quelque montagne vient à borner l'horizon, qu'une rivière coule à ses pieds et surtout lorsque comme à Tours une ville s'élève sur les collines, avec ses vieux édifices, alors, je demeure immobile et je rêve mon pays. Comme le cœur s'attache à tout ce qui rappelle les douceurs de l'air natal, les douceurs de l'amitié et les ineffables délices de l'amour ! Ampère, Bredin, Degérando, Ballanche, votre souvenir me suivra ; il est [illisible] aux plus douces émotions de ma vie. Tout ce que la délicatesse a de plus aimable est employé [illisible] mon illustre compagnon de voyage : je lui répète les vers de mes amis, les romans de la patrie et souvent sa bienveillance en adoucit la douleur.

Mes amitiés bien tendres à Dugas, Ballanche, [illisible] Degérando. Ne parle à personne de [illisible] que tu feras pour rendre ma lettre et écris-moi à Bayonne, poste restante.

Please cite as “L1073,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1073