To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   22 avril 1802

[1364]Du jeudi [22 avril 1802]

Je n'ai pas pu t'écrire, ma bonne amie, par le courrier d'hier et j'ai remis à aujourd'hui le plaisir de t'écrire parce que je fus me coucher dès que j'eus soupé, et qu'avant souper je m'étais occupé à ranger mes papiers pour travailler de suite à mon ouvrage : ce qui me prit plus de temps que je n'aurais cru. En arrivant ici, je me jetai sur mon lit, car j'étais assez las, mais pas tant qu'en arrivant à Montluel. Je dormis quelque temps . J'ai encore bien dormi cette nuit, et je ne me sentirais plus de mon voyage s'il ne m'avait pas éloigné de tout ce que j'aime. Je ne te ferai[1365] point de détails sur mon voyage parce que je les réserve pour la lettre que je vais écrire à élise et que tu verras sûrement. Je te dirai qu'en arrivant ici la Perrin m'a remis une lettre de ma bonne Julie que j'ai bien baisée, et un mandat pour être payé d'un mois de mon traitement. Je viens de l'aller recevoir, et j'ai été agréablement surpris en voyant que ce traitement devant être payé en francs républicains et non en livres, je recevrai quelque chose de plus que je ne croyais. On m'a remis 168 l[ivre]s 4 s[ols] ou 7 louis juste et 4 s[ols] ; cela fait par an 2018 l[ivre]s 8 s[ols] Je t'en enverrai 6 avec les bas et le billet de Carron [1366] par la première occasion que je trouverai pour cela. Je garderai un louis pour qu'il puisse me rester une certaine avance après que j'aurai payé les 40 L[ivre]s du mois qui va échoir.

Voici la note que tu m'as demandée : 6 chemises, 3 bonnets de coton, 6 mouchoirs de poche, 5 cravates à bord lilas, 1 cravate bleue, 8 paires de bas, 2 mouchoirs rouges, 3 bandeaux, 2 habits, 1 roupe, 6 gilets, 3 culottes, 2 paires de souliers, 2 paires de bottes, 1 décrottoir , 1 vergette, 1 peigne, 1 peignoir, 1 linge à barbe, 2 mouchoirs de mousseline, 10 mouchoirs de poche, 3 chemises, 2 paires de bas, 2 crochets, 3 serviettes, 1 tire-bottes, 2 essuie-mains. 1 éponge Voilà pour l'ancienne note. [1367] Par Pochon la dernière fois : 2 bonnets, 2 paires de bas, 1 culotte, 1 paire de draps, 2 serre-tête, 1 caleçon, 1 gilet. Je te dirai pour nouvelle, ma bonne amie, qu'on a rendu ici l'église de Notre-Dame aux prêtres insermentés, que les autres ont fait contre cette opération une protestation qui n'a rien produit et que, le jour de Pâques 1, on a dit une grande messe solennelle où le préfet a assisté. Toutes les avenues de l'église étaient, dit-on, encombrées de monde depuis 7 h[eures] du matin jusqu'au soir. J'en étais là de ma lettre quand[1368] la Perrin m'en a apporté une de ma petite bonne amie 2. Je te remercie bien, ma Julie, de l'avoir écrite ; mais, quelque plaisir que me fassent tes lettres, j'aimerais mieux en être privé que s'il fallait que tu en fusses fatiguée. J'espère, d'après ce que tu me dis, que cela ne t'aura point fait de mal et que ta santé ira toujours de mieux en mieux. J'attends comme toi, et tu dois bien l'imaginer, avec une plus vive impatience, ces fortunées vacances qui doivent me ramener auprès de toi et du petit. Mais j'espère que tu seras bien remise avant et que tu me réserves ce plaisir[1369] pour mon voyage de Pentecôte si j'en puis faire un à cette époque.

Tu me parles des figures de mon livre, je m'en passerai jusqu'au retour de Marsil qui ne peut tarder bien longtemps . N' oublie pas de lui en parler dès qu'il sera revenu ; car cela dérange bien mon travail, sans que [illisible] \je sois/ cependant de l'interrompre pour cela. Je suis inquiet de ce point que tu te sens toujours de côté. Je suis bien fâché qu'on n'en ait pas parlé à M. Petetin. Je voudrais bien que quelqu'un pût le lui dire ; peut-être est-ce un symptôme important qui exigerait[1370] des précautions particulières. Tu me dis, dans ta jolie lettre, quelque chose de bien joli sur le moyen de supporter les chagrins de l'absence. Oui, je les sentirai moins en pensant que ma Julie m'aime ; mais je n'en regretterai que plus amèrement que les jours passés près de toi se soient si vite écoulés. C'est vrai qu'ils me laissent de doux souveni[rs] ; mais ces souvenirs sont mêl[és] de la crainte de rester encore bien longtemps sans te voir. J'espère toujours pour la Pentecôte ; mais je ne me hasarderai pas à un 2d voyage sans la permission du préfet.[1371] Adieu, ma petite bonne amie, ma bienfaitrice, ma vie ! Tu trouveras ici une petite lettre pour élise que je n'ai pas eu le temps de faire plus longue. Je voulais aussi écrire à ta maman ; je voudrais que tu lui dises bien des choses de ma part, ainsi qu'à la maison Périsse. Donne-moi des nouvelles de ta cousine. Baise le petit d'aussi bon cœur que je vous embrasse tous deux.

A Madame Ampère-Carron, maison Rosset, n° 18, grande rue Mercière, à Lyon.
(2) 18 avril 1802.
(3) Lettre du 21 avril p. 131.

Please cite as “L109,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L109