From Jean-Marie Périsse-Marsil   12 mars 1821

[417] Lyon le 12 mars 1821
Cher frère et bon ami,

Si j'ai retardé de quelques jours de répondre à ta dernière, n'en sois pas surpris, tu me recommandais de voir de suite M. Buisson et j'ai été plusieurs fois chez lui sans le rencontrer, il était allé en Bresse pour régler quelques affaires ; enfin, hier, je le rencontrai comme il arrivait, je lui fis part de ton désir de terminer l'affaire de la rente pour l'église de Poleymieux. Il me répéta ce que je t'ai déjà dit, qu'il n'y a rien de bien pressé pour cela, qu'on recevra toujours ton argent avec empressement ; mais encore faut-il faire ce paiement avec sûreté pour ne pas t'exposer à payer une seconde fois. Comme je te l'ai dit, c'est le curé seul qui est cause que cela n'est pas terminé, parce qu'il n'a pas fourni un ordre de la Préfecture pour effectuer ce paiement, et cet ordre que M. Buisson lui a demandé plusieurs fois n'a pas encore été fourni, c'est au curé a le solliciter à la Préfecture. Si tu payais sans cette pièce, tu ne le ferais pas avec sûreté et tu serais exposé toi ou les tiens à payer une seconde fois. Ainsi donc, puisque le curé sait la cause qui empêche de payer, qu'a-t-il besoin de t'écrire au lieu de se conformer à ce que M. Buisson exige de lui, pour ta sûreté et suivant les lois...

A l'égard de M. Majeur tu peux également t'en reposer sur M. Buisson. Il sait bien que c'est une mauvaise chicane que te fait M. Majeur, mais peut-il l'empêcher. Il lui a déjà exposé combien ses prétentions étaient mal fondées, mais il ne répond jamais directement à ce qu'on lui demande, il prend toujours des détours, bref c'est un mauvais chicaneur qu'il faut voir venir et laisser s'expliquer sur ses prétentions, en le trop pressant il s'imaginerait avoir fait peur et augmenterait de[418] prétention, si on lui offrait tout de suite de lui céder les 500 francs qu'il te doit. Tu me parles d'une vente faite par ta mère en 1788, mais cela ne peut avoir aucun rapport avec la vente dont M. Majeur s'est procuré le titre, faite en l'an XI. Au surplus, il n'a point répondu encore aux demandes réitérées de M. Buisson de lui communiquer cette pièce, sur laquelle il fonde sa chicane qui ne doit point t'inquiéter, elle n'a vraisemblablement pour seul but que d'accrocher les 500 francs dont il t'était resté débiteur.

Sur le tout, M. Buisson m'a donné parole de t'écrire.

Tu me demandes, mon cher si l'on m'a remis encore dix exemplaires de ton mémoire *. Nous n'en avons reçu en tout que 6 exemplaires, dont Périsse remit un à M. Nolhac gratis ; nous avons encore les cinq autres, ainsi il n'est pas nécessaire de nous en envoyer. Nous l'avons proposé à plusieurs qui l'ont examiné, mais personne n'en a acheté : à Lyon le commerce absorbe tout, et personne ne s'adonne aux sciences élevées.

Tu ne m'as rien dit dans ta dernière de ton cher fils ; fais-lui je te prie mes amitiés, et aussi à ta fille, présente bien mes devoirs à ta sœur. Adieu, très cher, toute ma famille se joint à moi pour t'embrasser, ton dévoué Marsil

P.S. J'espère que tu as reçu les 100 Considérations sur la théorie du jeu 1 par le libraire Méquignon fils aîné, rue des Grands-Augustins n°9, et non par Méquignon-Marvis dont je ne t'ai pas parlé.

Les journaux ont annoncé une nouvelle ordonnance du Roi qui charge une commission pour fixer le choix des livres qui se verront aux rentrées prochaines. Ce serait une belle occasion, si tu connaissais quelque membre de cette commission, de faire en sorte que l'on y place notre Traité classique de littérature de Grandperret *, que nous t'avions prié à ton dernier[419] voyage de faire adopter par la Commission d'Instruction publique, ce qui paraît n'avoir pas eu de succès ; mais quand nous considérons combien tu es occupé, nous voyons que tu ne peux pas faire ce que tu voudrais pour nous. M. de Jussieu n'a également rien fait pour cet objet, dont il paraît ne pas s'être occupé.

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Please cite as “L1093,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1093