From Jean-Marie Bonjour   2 janvier 1810

[13] Lyon 2 janv. 1810
M. Ampère

J'ai reçu, mon cher ami, votre aimable lettre du 22 expiré et je me suis hâté de la communiquer à votre cher Ballanche. Je ne vous dis rien de Bredin que je n'ai pas eu encore occasion de voir.

Que de bontés dans le reproche que vous me faites de ce que vous appelez ma moquerie. Je suis infiniment honteux de m'être permis avec vous ce petit amusement.

Je vous remercie en mon particulier et au nom de M. [illisible] de ce que vous avez bien voulu faire pour lui. Je lui ai fait part de l'état des choses, et il paraît qu'il désire essentiellement, parce que ses liaisons d'amitié sont presque toutes à Lyon, d'être autorisé à exercer dans cette ville la profession d'instituteur, c'est-à-dire qu'il désirerait obtenir la permission d'y établir une école d'enseignement.

Quoique j'aie remis à M. Satin une lettre pour vous, n'allez pas croire que je veuille être un solliciteur éternel ; je souffrirais trop d'accabler mon ami de suppliques sans fin, et je suis trop peu répandu dans le monde pour que ma recommandation soit souvent mise à l'épreuve. Au reste, ce que j'ai fait, je n'ai pu refuser de le faire, et dans une situation semblable à la mienne vous auriez agi de la même manière.

[14]Je viens d'apprendre que M. Satin a quitté Lyon sans satisfaire quelques petits créanciers. J'ignorais cela quand je lui remis ma lettre. Quoique j'aime à croire qu'il a l'intention de payer, je dois vous prévenir de cet incident, afin que votre prudence se concilie avec le désir que vous avez d'obliger : en deux mots, amour du prochain et prudence.

Que vous dire maintenant ? [illisible] faut-il que j'entretienne l'âme de Maine Biran, de Bredin, de Ballanche, de Roux, de.. de.. de.. &c ? Il ne m'appartient pas d'entrer dans la lice où ils figurent. J'abandonne de bon cœur toute prétention à l'admiration qu'ils vous inspirent ; mais si je leur cède sous ce rapport la place d'honneur, il en est une que je suis en droit de leur disputer. Voici le mot de l'enjeu : s'ils vous intéressent plus que moi, ils ne savent pas mieux vous aimer.

Remerciez, au nom des Lyonnais qui me ressemblent, M. Fontanes d'avoir enrichi l'académie de Lyon d'un personnage aussi distingué que M. Soyart, professeur de chimie. C'est un savant du premier mérite. Il est tour à tour dans ses leçons Bossuet et Fourcroy, Fénelon et Berthollet. Bredin, Grosnier et mille autres l'ont admiré comme moi. Pourquoi faut-il que les[15] pauvres provinciaux ne voient ces gens-là qu'en passant : ce sont gibiers  de la grande ville à qui je ne pardonnerai jamais de nous avoir privé de vous.

Salut amical, Bonne année, Bonheur éternel J.M. Bonjour

[16]Monsieur Ampère, inspecteur général de l'université impériale, professeur à l’École polytechnique, cour du commerce, rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, à Paris

Please cite as “L1114,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1114