To François Carron   2 février 1804

[1] Lyon le 12 pluviôse
Mon cher frère, mon meilleur ami,

Il y a bien longtemps que tu n'as pas entendu parler de moi, que je n'ai su de tes nouvelles qu'indirectement. Je profite de l'occasion de M. Rosset qui va à Paris pour te rappeler l'amitié qu'a pour toi ton malheureux frère. Je sais bien que tu ne l'as pas oubliée, mais j'aime à t'en parler. Cette amitié m'était si douce dans le temps que j'étais heureux, elle me l'est toujours quoique plus triste. Hélas ! Je ne fais peut-être que t'affliger en te rappelant des peines qui nous sont communes 1. Je devrais ne te jamais parler des idées qui me poursuivent, mais je n'ai pu résister aux sentiments[2] qui m'y ont poussé dès que j'ai pris la plume pour t'écrire. Présente mes respects et mon amitié à ta femme, embrasse pour moi ta petite Eliza.

Songe quelquefois que des liens qu'aucune infortune ne peut rompre te donnent à Lyon un ami dont les sentiments pour toi ne le cèdent à personne. Il me semble que je serais content si je pouvais te revoir, et pleurer un peu avec toi. Adieu mon bon ami, aime-moi toujours comme je t'aime.

Ton frère, Ampère

PS. Tu recevras je pense avec cette lettre des nouvelles directes de toute ta famille. Ta maman, tes sœurs, tes neveux ne sont pas malades dans ce moment.[3] Je viens de les voir presque tous réunis chez Mme Périsse. Ta maman a dû t'écrire que je lui ai remis pour toi les cinq louis que je te devais. Adieu. Adieu mon frère. Puisse-tu te bien porter, et voir toujours toutes tes affaires prospérer.

[4]A Monsieur Carron, de Lyon, hôtel du cercle du commerce, rue de la Loi n°152, près le boulevard, à Paris
Cette remarque date la lettre : après la mort de Julie. Pluviôse correspondant à janvier-février, la lettre ne peut donc dater que de 1804 puisqu'Ampère habite encore à Lyon.

Please cite as “L1126,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1126