To Jacques-Joseph Corbière (comte)   5 juillet 1825

Paris le 5 juillet 1825
[13]A son Excellence Monseigneur le Comte Corbière, ministre et secrétaire d’État au Département de l'Intérieur
Monseigneur,

Des circonstances imprévues et dont je n'ai eu connaissance qu'aujourd'hui me font un devoir de supplier Votre Excellence de jeter les yeux sur la note ci-jointe.

Pénétré de reconnaissance pour toutes les bontés dont Votre Excellence m'a honoré, ce ne sera pas seulement au nom de l'intérêt qu'elle a daigné me témoigner tant de fois que je la prierai de ne pas me refuser cette faveur, ce sera surtout dans l'intérêt même de l'École royale polytechnique à laquelle Votre Excellence sait que j'ai, depuis vingt ans, consacré la plus grande partie de mon existence.

Je prie Votre Excellence de me permettre de saisir cette occasion pour lui offrir de nouveau l'hommage de ma vive reconnaissance et celui de mon plus profond respect.

J'ai l'honneur d'être, Monseigneur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur. A. Ampère, de l'Académie royale des sciences rue des fossés s[ain]t Victor n°19.  

[14] Note sur les titres que M. Ampère, professeur d'analyse à l'École royale polytechnique, croit pouvoir faire valoir à l'appui de la demande qu'il a adressée, il y a environ un an, à S. E. le Ministre de la Guerre, de la place d'examinateur des candidats à cette école.

Les places d'examinateur pour l'admission des candidats à l'École royale polytechnique ont toujours été accordées à des mathématiciens qui avaient rempli dans cette école les fonctions de professeur par intérim ou de répétiteur.

Alors, ces places étaient regardées comme inférieures à celles de professeur, depuis la réorganisation de l'école elles sont devenues bien préférables sous tous les rapports.

Il paraît convenable de les accorder à présent aux professeurs qui les désirent comme une juste récompense de longs et pénible travaux.

M. Ampère est le plus ancien des professeurs qui s'occupent de mathématiques. Attaché depuis près de 22 ans à l'enseignement dans l'École polytechnique, il y a successivement rempli les fonctions de répétiteur, celles d'examinateur[15] par intérim, et celles de professeur ; cette année est la 19ème où il remplit ces dernières, aucun autre professeur ne demande la place que sollicite M. Ampère.

Il serait bien pénible pour lui de se voir préférer, soit une personne étrangère à l'École, soit un simple répétiteur. Il semble même qu'il y aurait peu de justice à son égard, à celui des autres professeurs à qui on montrerait par là qu'il n'y a point d'avancement à espérer pour eux dans le système des fonctions de l'école, à l'égard même des répétiteurs qui ont pour perspective de remplacer les professeurs appelés à des fonctions supérieures, quand ils ont fait preuve des talents et des connaissances nécessaires pour le professorat.

Ceux qui voudraient obtenir la place à laquelle M. Ampère a acquis tant de titres, se sont peut-être servi pour l'en écarter d'une bien singulière accusation, celle d'être quelquefois[16] distrait. Chargé de plusieurs examens à l'École royale polytechnique, non seulement comme examinateur par intérim, mais deux fois chaque année comme professeur, chargé pendant seize ans dans l'université royale de France d'examens en qualité d'inspecteur général des études, et encore actuellement des classes de physique dans les collèges royaux, la manière dont il s'en est toujours acquitté prouve assez combien cette accusation est dénuée de fondement, et que peu de personnes sont aussi propres que lui, par l'usage et par les connaissances qu'il a pu acquérir sur tout ce qui concerne les examens, à s'en acquitter avec tout le succès qu'on peut désirer.

Please cite as “L1144,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L1144