To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   30 avril 1802

[1279] Du Vendredi [30 avril 1802]

J'ai reçu ce matin une lettre de toi, ma bonne amie, qui m'a fait bien plaisir ; mais je suis bien inquiet de ce que tu me dis que ta grosseur augmente. J'attends avec impatience le traitement que prépare M. Petetin ; j'espère qu'il la fera diminuer ; tu m'écriras bien quand tu l'auras commencé. Il fait si chaud ici que je ne sais comment faire avec mon gros habit ; j'attends le petit plus léger par une des bonnes occasions. Tu m'as marqué une fois que les chandeliers de Mme Beauregard valent 5 l[ivre]s, 18 s[ous] ; l'autre fois, c'est 4 l[ivre]s 18 s[ous]. Dis-moi, je t'en prie, le compte juste. Je suis sûr d'avoir mis dans la commode 54 l[ivre]s, que[1280] j'avais reçues de M. de Jussieu. je crains bien que ces dixhuit francs n'aient été pris dans ton tiroir qui est toujours ouvert. Après avoir bien délibéré sur mes papiers de mathématiques, j'ai conclu à ce que, plusieurs m'étant d'une nécessité absolue, je te prie d'envoyer tous ceux qui sont chez Marsil par une des occasions gratis. Je me suis décidé également chez M. Beauregard, mais pour un seul repas ; je ferai les autres à la maison avec de petites choses. Un fromage raffiné qui me restait m'a été très utile pour cela. Je m'en tirerai ainsi pour 25 l[ivre]s par mois,[1281] et 5 l[ivre]s à 6 l[ivre]s pour le pain et ces petites choses. Il faudra aussi que je me munisse, pour un mois, de 7 à 8 bouteilles de vin. J'épargnerais bien des petites choses à acheter si tu pouvais faire mettre, dans un des mêmes ballots dont \le port ne nous coûtera rien, une/ bouteille où l'on aura mis du raisinet ; elle ne courrait pas plus de risque que les bouteilles d'acide, à qui il \n'est arrivé aucun accident./ Je te prie, ma bonne amie, de m'envoyer une note de ce qu'on donne à Lyon : pour blanchir pour raccommoder les bas, les chemises, les cravates , les mouchoirs, etc., parce qu'on[1282] me surfait ici, à ce que je crois, d'une étrange manière ; cette note me servirait de base pour faire mes conventions. Mais je ne pense pas, ma pauvre Julie, qu'avec toutes ces histoires je m'expose à te donner de la peine ou de l'embarras. Ah, je t'en prie, ne fais rien de tout cela si tu ne peux pas le faire faire par Marie ou Louison. J'avais prié Marsil d'envoyer un livre pour M. Clerc. S'il l'avait oublié, tu me ferais bien plaisir de le lui rappeler. C'est la mécanique analytique de Lagrange *.[1283] Supplément au journal du dimanche [2 mai 1802] Je portais hier cette lettre à la poste, ma bonne amie, quand j'ai rencontré M. Clerc qui m'a parlé de l'ouvrage qu'il avait demandé. Il se trouve que c'est par erreur que j'ai dit à Marsil : La mécanique analytique. Il m'avait parlé, au contraire, de ce livre comme l'ayant, et celui qu'il voulait acheter est le Traité élémentaire de calcul différentiel et intégral de Lacroix en un volume in-8° *. Si Marsil ne l'a pas, M. Clerc le fera venir de Paris par un de ses amis. J'espère que la Mécanique analytique ne sera pas emballée et qu'on pourra corriger cette erreur. Cela me procure l'avantage de te dire bonjour aujourd'hui, mais a empêché ma lettre de partir hier et elle ne pourra plus partir que demain. \Je viens de recevoir des lettres et un ballot ; je te répondrai mercredi. Adieu, ma Julie, ma bien-aimée !/

[1284] Du lundi matin [3 mai 1802] J'ai rêvé cette nuit que j'étais à Lyon près de ma Julie et qu'elle n'avait plus de grosseur. Ah ! Si ces deux rêves, si le second du moins, pouvaient se vérifier ! Je suis obligé de te quitter ; car voilà M. Berger, mon ancien élève, avec qui je suis convenu que nous rangerions aujourd'hui tout le laboratoire de chimie. Je voudrais bien 2 ou 3 de ces petits linges qui servent pour essuyer le rasoir 1. Mon perruquier était obligé hier d'essuyer à la serviette que j'avais au cou. Je ne sais pas bien où sont ceux que j'avais apportés de Lyon. Je crains \j'ai peur/ bien d'en avoir fait des luts pour mes expériences chimiques. Je vais finir aujourd'hui une nouvelle copie de mon petit ouvrage. Je te l'enverrai après-demain. Je baise mille fois ce que j'aime, ma Julie et son enfant. Dis bien des choses pour moi à tous ceux que j'aime ensuite ! \Ne m'oublie pas surtout auprès de ta maman !/

(2) Ces cinq lignes ont été publiées par Mme Chevreux, p. 196.

Please cite as “L117,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L117