From Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   12 mai 1802

[127]Du Mercredi matin [12 mai 1802]

Je ne sais comment le temps va mais malgré que je voulais t'écrire hier, je n'ai pas pu trouver un moment. J'étais trop pressée, lorsque j'écrivis vendredi, pour te conter que François de Lorme 1 a été arrêté comme conscrit, que toute la famille a été dans la désolation et que le pauvre garçon est parti avant-hier sans qu'on aie la permission de le faire remplacer.

J'ai fais ce que j'ai pu pour tâcher de leur être utile mais jusqu'à présent cela n'a pas encore servi. Tout en faisant des démarches pour François, j'ai fait connaissance avec un nommé M. Picard, dessinateur et membre de l'Athénée. Nous avons parlé de toi, du désir que tu aurais d'occuper une place dans le lycée de Lyon. Il m'a paru très disposé en ta faveur et m'a dit que lorsqu'il serait question de quelque chose, il saurait bien élever la voix pour toi. Il me parla du préfet et je crois qu'il pourra nous être bien utile parce qu'il connaît[128] toutes les autorités.

M. Ballanche a dû écrire à M. Degérando et M. Couppier aussi. L'un et l'autre pensent que le parti que tu as pris d'envoyer ton ouvrage à M. Roux ne peut pas être dangereux. Ainsi je l'attends demain par Pochon. Mon bon ami j'ai été bien tracassé cette semaine. Françoise est aussi venue de son pays ; elle est restée plusieurs jours. Quoique guérie, à ce qu'il paraît, je ne peux être tranquille et j'ai eu le chagrin de lui dire de ne pas toucher le petit et de chercher une place. Cette pauvre fille est bien triste, bien reconnaissante de ce que nous l'avons gardée pour faire des remèdes. François aussi était un chagrin de plus pour elle ; car, quoiqu'elle ne soit pas susceptible d'un amour bien violent, je crois qu'elle ne voulait point de mal à ce garçon et qu'ils auraient été fort bien ensemble.

[129] [illeg] [130] [illeg] J'ai oublié de te dire que nous avons été à la Comédie samedi dernier. C'est ma cousine Périsse qui nous y mena. On jouait Nanine et La Fausse Agnès de Destouches. Nanine fut très mal rendue et la Fausse Agnès fort bien. Cette dernière nous fit tous beaucoup rire et moi aux éclats. Adieu mon bon ami, adieu je t'aime et t'embrasse de tout mon cœur. Soupe bien je t'en prie, engraisse toi c'est tout ce qui me fait plaisir adieu.[131] [illeg] [132] [illeg]

Au citoyen Ampère, professeur de physique à l'école centrale du département de l'Ain à Bourg.
(2) Fils de leur fermier.

Please cite as “L123,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L123