To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   20 mai 1802

[50] \Mise à la poste le samedi pour arriver le dimanche./Du Jeudi [20 mai 1802]

Je vois, par la lettre que je viens de recevoir, ma bonne amie, que les lettres que j'adresse pour toi à Richard ne sont pas rendues plus exactement que celles que je t'envoie directement. Je continuerai cependant à me servir de cette nouvelle adresse, à moins que tu ne jugeasses à propos de reprendre l'ancienne. Je crois que MM. André, Beauregard, etc., que j'avais consultés sur le jour où il fallait mettre les lettres à la poste, m'avaient induit en erreur en me disant qu'il fallait les y mettre les jours impairs, ou que, depuis quelque temps , je prends les jours pairs pour les impairs, faute d'almanach.[51] Car, puisque je reçois tes lettres le lendemain, je ne vois pas pourquoi les miennes resteraient deux ou trois jours en route. Je les mettrai à l'avenir le samedi \ou le dimanche, /au plus tard, dans la boîte. Mais, pour ne plus être dans l'erreur au sujet des jours de courrier, je prendrai aujourd'hui même des informations à la poste, et je me munirai d'un Dieu soit béni *.

Du samedi [22 mai] Je n'ai cessé hier d'écrire sur les mathématiques. L'ouvrage que j'ai entrepris avec M. Clerc et dont je ne serais jamais venu à bout tout seul, avance tellement que j'espère qu'il sera dans un mois prêt à être imprimé.[52] Il sera intitulé : Leçons élémentaires sur les séries, et autres formules indéfinies. Tu pourras voir ce que tes cousins penseront à cet égard. Nous sommes convenus que nous vendrions en commun cet ouvrage au libraire qui voudrait l'acheter, mais que, s'il s'en faisait une seconde édition, elle m'appartiendrait exclusivement pourvu que ce ne fût qu'après la fin de l'an treize de la République. Cet ouvrage, étant à l'usage des établissements d'instruction publique et manquant à l'ensemble des études mathématiques, ne peut manquer d'être très recherché et M. Clerc est sûr de trouver un libraire qui l'achète,[53] si ce n'est en argent, du moins en nous promettant un certain nombre d'exemplaires. Tu conçois qu'il vaut mieux que nous le vendions ainsi que de faire imprimer à frais, pertes et profits communs. Je serais bien charmé que ce fussent tes cousins ; mais il ne faut pas avoir l'air de le leur demander, puisqu'il est certain que ce sera une bonne affaire pour le libraire qui le prendra. A l'égard du petit mémoire sur le jeu, je ne trouve aucune apparence de possibilité à ce que le gouvernement le désapprouve (2). Est-ce que la loterie royale empêchait, sous l'ancien[54] régime, de prêcher contre le jeu ? Le gouvernement sait bien que cent mille mémoires sur cet objet n'empêcheraient pas les badauds de porter leur argent dans ses bureaux. Je persiste donc à le faire imprimer à mes frais ; cela ne saurait aller à deux cents francs et j'en retirerai bien toujours au moins les trois quarts en en vendant quelques-uns. Tâche de savoir au juste de Marsil ce que pourrait coûter l'impression. Il a vu comme c'était court. Tout cela, au reste, est subordonné à la lettre de M. Roux, qui se fait bien attendre et à son opinion que Ballanche tâchera d'accrocher. Ce petit livre me fera[55] attribuer une part de l'ouvrage qui va paraître par Ampère et Clerc, professeurs à l'école centrale du département de l'Ain, tandis qu'il en aurait sans cela tout l'honneur comme professeur de mathématiques. Tu pèseras, au reste, ma bonne amie, toutes les raisons pour et contre et tu décideras en dernier ressort du sort desConsidérations mathématiques sur le jeu. Tu me parles encore, ma chère amie, de louer ton appartement ; je croyais que tu savais la défense de loger des femmes dans les lycées ; elle se trouve dans les Moniteurs que tu m'avais[56] envoyés. Je crois en conséquence qu'il n'est pas à propos de louer avant de savoir comment les choses tourneront. Je crois, si la baraque ne te gêne pas, qu'il faut la considérer sous le même point de vue ; car, l'école d'ici supprimée, je me trouve de nouveau réduit à donner des leçons particulières, si je manque une des 64 places de lycée. Je ne crois pas, a[u] reste, que nous puissio[ns] regretter ainsi à bas si tu [illeg] J'ai trouvé tes Heures 10 à 12 jours après mon arrivée dans une poche ; je m'en sers habituellement ; mais je te les renverrai quand tu voudras. Je n'ai pas éprouvé un froid bien vif, quoiqu'il ait gelé ici deux nuits de suite : ce qui a, je crois[57] bien fait du mal, surtout aux vignes. Sais-tu si elles ont souffert auprès de Lyon ? Je te prie en grâce, ma bonne amie, de travailler à te guérir. J'espère t'aller voir dans 15 jours, mais je n'en suis pas encore sûr. Je t'irai répéter de vive voix ce que je te dis dans toutes mes lettres. Quand pourrai -je t'embrasser autrement que sur ce froid papier et te voir occupée sérieusement à des remèdes nécessaires ! A. AMPÈRE.

Au Citoyen Richard, chez les frères Périsse, libraires, grande rue Mercière, n° 15, pour remettre s'il lui plaît à Mme Ampère-Carron, à Lyon.

Please cite as “L128,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L128