To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   12 juillet 1802

[1434]Le lundi [12 juillet 1802]

J'ai reçu ce matin une jolie lettre de ma pauvre petite. Que je suis fâché que ces remèdes n'aient pas plus d'effet ! J'espère toujours qu'ils te remettront complètement . Mais voilà déjà bien longtemps  ! Que c'est long, que c'est long ! Tu le dis à Lyon, et une âme qui répond à la tienne dit la même chose à Bourg. Que je voudrais pouvoir t'aller voir ! C'est mon refrain de toutes mes lettres et tu me le défends tant que j'aurai des occupations plus importantes, comme s'il en était pour moi ! Mon ouvrage serait fini s'il était commencé ! J'avais[1435] fait un nouveau commencement que je croyais bon parce que je ne l'avais pas relu : c'est le plus mauvais de tous. J'ai prié M. Clerc de m'en faire un. S'il me l'apporte demain matin, tout ira bien ; sinon, je ferai comme je pourrai. Ma chimie a commencé aujourd'hui. De superbes expériences ont inspiré une espèce d'enthousiasme ; de douze auditeurs il en est resté 4 après la leçon ; je leur ai assigné des emplois qui me mettront à \même de/ n'avoir presque rien à faire : Cardon, le petit baron, à la direction générale de la forge, fourneaux et dépendances ; [1436] M. L'écuyer, trésorier et gardien de la clef du laboratoire, fait les petites emplettes, prépare et lute les vaisseaux ; M. Dubos, rangeur en chef, met chaque chose à sa place ; M. Riboud, aide-rangeur, est chargé en outre de tirer de l'eau et de fournir du sable. Les rangeurs lavent et nettoient tout. Que dis-tu, ma bonne amie, de l'inutilité de tous ces récits ? Qu'importe tout cela à une pauvre malade qui ne se soucie non plus de chimie que du Grand Turc ? Aussi ne t'aurais [je] pas écrit tout cela si tu ne[1437] m'avais pas paru ennuyée de ce que je n'avais personne pour m'aider. Tu vois qu'à cet égard je n'aurai rien à désirer. Pour en revenir à ce qui m'intéresse davantage, je te [illisible] \remercie/ du livre, et des bas que tu m'as envoyés ; mais je suis bien fâché de ce que cela t'a peut-être causé quelque embarras ; tu n'en as pas besoin ! Dis à mon petit que son papa de Bou[rg] l'aime bien de ce qu'il console sa pauvre petite maman. Julie, Julie, à la fin d' août , nous serons tous ensemble, et tu seras guérie ! Je vais me coucher dans cette douce pensée. Entendstu cet adieu, sens-tu ce baiser sur ta bouche et cette main sur ton cœur.

[130]Du mercredi 14 juillet [1802] Nous voilà au milieu de juillet ; dans 6 semaines, la fin d' août  ! Mais encore 6 semaines, que ce sera long sans voir Julie j'ai été averti que c'était le 14 juillet par une invitation du Maire d'assister à une messe avec Te Deum, pour célébrer l'anniversaire de la prise de la Bastille. Les prêtres catholiques chanteront ce Te Deum ! Cela est tout comique ; mais je n'ai que faire d'y assister et je crois que bien d'autres feront comme moi. A l'égard de mon livre je vais te dire le mot de l'énigme. Outre le commencement qui[131] n'est pas fait, j'étais embarrassé à l'égard d'une formule de mon invention que je ne savais comment démontrer et dont j'avais besoin pour la dernière conséquence de mon mémoire. Je cherchais \inutilement/ cette démonstration depuis plusieurs jours et cela me dégoûtait de mon travail. Je viens de la trouver ce matin à 8 h[eures] et demie, je t'écris à neuf et mon ouvrage sera absolument fini à midi, excepté le commencement que je ferai cette après- dîner . J'aurai une semaine entière[132] pour le relire et le corriger 5 ou 6 fois et tu le recevras certainement mercredi prochain avec [illisible] \mon beau pantalon ;/ à moins que tu ne veuilles plus que je t'envoie \ce dernier/, alors tu m'en écrirais un mot. Quant à moi, je ne crois pas que je puisse en avoir besoin. J'ai fait le compte de toutes mes nippes. Tout y est bien excepté un mouchoir de poche ; je crois te l'avoir envoyé par mégarde d[ans] quelques poches d'habit, d[ans le] bleu par exemple : ce qui a fait que je ne l'ai pas cherché bien longtemps . Je ferai de nouvelles[133] recherches si tu ne l'as pas. Le compte porte 16 mouchoirs et je n'en trouve que 15 : 8 à petites \raies lilas et 7 bleus./ Adieu, ma bonne amie, embrasse le petit de notre part à tous deux d'aussi bon cœur que je t'embrasse. Comme je lui apprendrai à courir cet automne, mais seulement sur l'herbe pour ne pas t'effrayer ! Dis bien de jolies choses, toi qui les sais si bien dire, à ta maman et à ta sœur. Je lui dois toujours une réponse, à élise.

A Madame AmpèreCarron, grande rue Mercière, n° 18, à Lyon.

Please cite as “L148,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L148