To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   16 juillet 1802

[1208] Du vendredi [16 juillet 1802]

Je t'écris après souper, ma bonne amie ; le courrier partira demain et c'est le seul moment de liberté que je puisse avoir dans [tou]te la journée. J'ai été obligé de mettre la leçon d' Ailhaud à 6 h[eures] du matin. Tout le reste de mon temps est à la chimie, à Grippière ou à Goiffon. Aujourd'hui toutes mes expériences ont bien réussi, aussi bien qu'il est possible. Il en a été de même les autres jours, à peu de chose près. Le préfet de Bourg est nommé ; c'est M. Jacobi, qui vient d'Aix-la-Chapelle, dans les nouveaux départements [1209] conquis sur l'Empereur 1 ; il était le conseiller de préfecture du département de la Roère. Mon ouvrage est achevé * ; mais je t'ai déjà écrit qu'il fallait y faire un nouveau commencement et je n'y ai pas encore travaillé ; ce sera pour dimanche matin. M. Riboud le fils me fait une copie du reste. On veut que je la présente à la Société du département de l'Ain pour que j'en sois nommé membre. M. Riboud le père tient beaucoup à cela. J'ai fait des briquets phosphoriques. Un seul allait bien, j'en ai[1210] rendu un autre bon en le chauffant à la chandelle. Voulant faire la même chose au troisième, il est sauté en l'air avec explosion ; le phosphore est tombé sur mon papier et l'a brûlé à l'autre page de ma lettre. Je voulais le garder pour mon usage ; mais je continuerai à me servir du briquet ordinaire. Les éclats de la petite fiole m'ont caressé la figure sans me faire mal ; cet événement me rendra bien prudent. Tu donneras, je t'en prie bien et pour de bonnes raisons, la plus petite fiole à élise ; j'ai pensé qu'elle avait[1211] le pied si petit qu'il ne le lui fallait pas plus gros. À quoi vais-je m'amuser quand je vois par ta lettre que les remèdes de M. Petetin ne servent de rien ? Si j'avais su que tu consentisses à aller aux eaux de Charbonnières, j'aurais encore plus insisté pour cela que pour cette maudite glace. Tu sais le bien qu'on m'avait dit de ces eaux, et ce que je t'ai écrit à ce sujet il y a deux ou trois mois ; ce seront elles qui te guériront et peut-être avec d'autant plus d'effet que le régime que[1212] tu as suivi t'y a préparée. Oui, il n'y a rien de mieux imaginé ; fais en sorte d'y aller un temps suffisant, car ce remède n'est pas bien prompt dans ses effets. Il me semble surtout à propos que ce soit en sortant du régime qui a désempli les vaisseaux et tout préparé pour ta guérison. Quel bonheur pour moi quand tu m'écriras qu'elle s'ava[nce] et que tout se rétablit dans l'ordre naturel ! Cette grosseur ! Que je voudrais t'en voir débarrassée la première fois que je t'embrasserai, que je reverrai[1213] mon petit et sa maman. Tu nourris l'un, l'autre t'adore, Toi seule tu les rends heureux. Si l'un ne le sait point encore, L'autre le sent pour tous les deux. Je suis fier d'avoir su exprimer une fois, d'une manière qui t'ait plu, ce que je sens bien à tous les moments de ma vie. A. AMPÈRE.

A Monsieur Richard, chez les frères Périsse, libraires, rue Mercière, n° 15, pour Mme Ampère-Carron, à Lyon.
(2) Il s'agit de l'Empereur d'Allemagne. Napoléon n'est devenu Empereur que le 18 mai 1804.

Please cite as “L150,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L150