To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   24 juillet 1802

[1194] Du Samedi [24 juillet 1802]

J'ai reçu ta lettre hier, ma bonne amie ; j'aurais voulu y répondre tout de suite, mais je passe à présent tout le jour au laboratoire. Il ne m'est encore arrivé aucun accident chimique que quelques bouteilles ou verres cassés aux frais de la nation. Je ne sortis hier au soir du laboratoire qu'à plus de neuf heures et demie. J'étais bien las et tout mouillé ; mais le souvenir de ma Julie me procura un doux sommeil. Combien ta lettre m'a fait de plaisir ! Tu es à cette heure à Charbonnières et j'espère que les six louis que je t'ai envoyés par Pochon sont arrivés avant ton départ. Je les avais[1195] destinés aux frais qu' entraînerait ton séjour aux eaux, et je n'espérais pas qu'ils seraient si tôt employés comme je le désirais. Charbonnières te guérira, j'en suis sûr, et tu sais si je serais capable de te rendre de nouveau malade ! Tu me parles d'un autre remède. Oh, que ne peut il te guérir ! Que ne peut-il te guérir ! Je pourrais réparer le mal que j'ai fait par un remède comme celui-là ! Non, ma raison combat tout ce que ce mot de ta lettre m'a fait éprouver de saisissement. Tu sens bien que cette pensée me revient sans cesse, mais je la chasse comme la plus mauvaise pensée. Ma[1196] Julie, ils sont passés pour jamais \peut-être /ces jours commencés dans la maison de la rue Bât -d'Argent et finis dans l'appartement où tu te trouves à présent ! Quel singulier mouvement leur souvenir fait naître dans tout mon corps ! Ce n'est pas tant heureux jours que je devrais les appeler que heureuses... Tiens, ma bonne amie, il y a des pensées qui me saisissent tout à coup et qui me font éprouver une sensation particulière comme si j'étais encore heureux, mêlée du regret de ne plus l'être \de la même manière./ Je ne saurais[1197] bien m'expliquer ; mais [illisible] ton âme qui sait si bien lire dans la mienne \me/ comprendra aisément. Je voudrais t'embrasser, un baiser me dédommagerait de tout le reste et il faut l'attendre 5 semaines, à moins que tu ne m'en envoies un dans ta première \lettre/. Adieu, dans cette espérance, je t'en envoie bien des milliers. A. AMPÈRE

A Monsieur Richard, chez les frères Périsse, libraires, grande rue Mercière, n° 15, pour remettre, s['il] l[ui] p[laît], à Mme Ampère-Carron, à Lyon.

Please cite as “L155,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L155