To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   29 juillet 1802

[1200] Le Jeudi [29 juillet 1802]

J'ai reçu ce matin la lettre 1 où tu me racontes la nouvelle décision de M. Petetin au sujet de ta maladie. Je ne doute point que les choses ne soient comme il le dit à présent puisque M. Brac se trouve ainsi d'accord avec lui. Je suis surpris qu'il pense qu'il n'y a rien à faire absolument. Je sens que cela pourra se dissiper de soi-même avec de l'exercice et l'air de la campagne ; mais encore serait-il bon d'aider la nature. Cela me rappelle que le jardinier-botaniste qui était \ici /attaché à l'école, ayant entendu parler[1201] à la Perrin de l'état où tu [te] trouves, avait déjà décidé que c'était un dépôt de lait et offert de te guérir en 8 jours avec un remède souverain contre cette espèce de mal et dont il fait un secret. Je n'y ai pas foi ; ma raison s'y oppose ; mais je ne sais quoi m'oblige à te l'écrire, comme si tout cela était rangé par la même providence qui t'a retenue au moment où tu allais aux eaux ; car j'ai jugé par ta lettre que les eaux t'auraient été contraires. Je ne[1202] vois pourtant pas bien pourquoi. Est-ce que ce n'est pas d'un semblable dépôt que les eaux de Vichy ont guéri Mme Poulin ? Mais que fais-je ? Je vais te demander des éclaircissements sur mille choses, tandis que tu es peut-être malade. peut-être bien malade. Que je serais inquiet de cette fièvre si je n'étais pas rassuré par ce que pense actuellement M. Petetin, sur ce que ton mal n'est nullement dangereux. Ah, malgré cette assurance, je le suis[1203] toujours bien inquiet. Tu me dis que tu souffres : d'où vient cela ? Tu ne souffrais pas habituellement auparavant ! Qu'en dit M. Petetin ? Que je voudrais lui demander au juste tout ce qu'il pense à ton égard ! D'aprèsdemain en quinze je partirai pour Lyon ; ce sera un samedi ! Oh, que ce beau jour est encore éloigné ! Ma bonne amie, te fera-t-il aussi plaisir ce charmant samedi ? J'oubliais de te demander si tu voulais que je t'achetasses du beurre pour fondre. Je te l'enverrais par[1204] Pochon. La livre de seize onces ne coûte que neuf à dix sous, et le transport est on ne peut pas plus facile. Réponds moi, je t'en prie, là-dessus dans ta première lettre !

Du vendredi [30 juillet] Depuis que je ne dîne plus chez Mme Beauregard, j'ai un moment de liberté entre mon dîner et la leçon de Grippière. Que ce moment est précieux pour moi puisqu'il me donne le temps de t'écrire ! Je viens de m' apercevoir que, tout occupé hier de ta lettre, j'ai oublié de te parler de la visite que je fis[1205] à M. Lalande avant-hier matin, mercredi. Il me donna de grands coups d'encensoir, me dit qu'il n'y avait qu'en France qu'on trouvait des mathématiciens comme moi, etc. Il finit par me demander des exemples en nombre de mes formules algébriques, en me disant qu'il fallait qu'il pût mettre mes résultats à la portée de tout le monde dans le rapport qu'il en ferait, tandis que, sous leur forme algébrique, plus élégante et plus intéressante pour 5 ou 6 mathématiciens de première classe, ils n'étaient pas à[1206] la portée du plus grand nombre, et qu'il doutait même que les gens de la force de M. Clerc me comprissent bien. J'ai conclu de tout cela qu'il n'avait pas voulu se donner la peine de suivre mes calculs, qui exigent en effet de profondes connaissances en mathématiques. Je lui ferai ces exemples, mais je persiste à faire imprimer mon ouvrage tel qu'il est : ces exemples lui donneraient l'air d'un ouvrage d'écolier. Je voudrais pourtant être sûr que j'ai raison en cela contre[1207] M. de Lalande. M. Clerc est bien de mon avis à cet égard ; mais je voudrais pouvoir consulter quelqu'un fait pour décider irrévocablement et je ne sais à qui m'adresser. Je t'embrasse mille et mille fois de toute mon âme. Et je vais vite porter cette lettre à la poste avant que Grippière vienne. Donne pour moi 6 baisers au petit.

A Monsieur Richard, chez les frères Périsse, libraires, grande rue Mercière, n°15, pour remettre, s['il] l[ui] p[laît], à Mme Ampère-Carron, à Lyon.
(2) Lettre du 27 juillet.

Please cite as “L158,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L158