To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   24 novembre 1802

[1456]Du mercredi [24 novembre 1802, 3 frimaire]

Je me suis fait réveiller à 5 h. 1/2 pour jouir un peu du plaisir de t'écrire dont j'ai été privé depuis plusieurs jours : l'opération de ranger le laboratoire de l'école centrale m'ayant pris absolument tout le temps que me laissaient mes quatre leçons : une de géométrie à 7 h et une d'arithmétique à 11 pour le compte de MM. Dupras et Olivier ; une au petit Blanchard à 18 [illisible] qui suit celle de géométrie et me tient jusqu'à 9 h. 1/2 ; enfin ma leçon publique de 4 h à 6 h, dont les préparatifs me prennent encore beaucoup de temps . Sais-tu, ma bonne amie, de toutes ces occupations, celle qui me prend le plus de temps , c'est de revoir l'ouvrage de mes[1457] 16 élèves d'arithmétique pour le corriger. J'y consacre toute ma soirée et, comme on soupe à 8 h, je ne peux souvent l'achever qu'après souper . J'aurai plus de temps libre dans quelques jours ; voilà mon laboratoire rangé et, si je puis mettre bientôt ces jeunes gens à l'algèbre, je leur défie bien de me donner tant d'ouvrage à repasser. J'ai reçu ta dernière lettre avant-hier par Pochon avec un paquet où il y avait beaucoup d'affaires. J'ai été un peu embarrassé de penser ce que je ferais pour me parer quand j'irai me présenter à Lyon aux examinateurs. J'aurais bien pu me passer de quelques-uns des gilets que tu m' envoies . Je t'en remercie toujours bien ; je te[1458] remercie davantage des nouvelles que tu me donnes de ma femme et de mon petit ; elles m'ont fait bien plaisir ; j'y vois que tu te portes bien. Que je voudrais que cela fut tout à fait vrai ! J'espère du moins que tu vas mieux. Tu ne sais pas, ma bonne amie, que c'est aujourd'hui le 3 frimaire où l'on devait vendre la maison de M. Guérin s'il n'avait pas payé. Il faut, s'il n[e] l'a pas fait, qu'elle se vende tout de suite. S'il l'a fait, M. Coste te remettra deux mille francs à compte sur le billet que voici 1. Surtout si c'est Marsil qui a la complaisance d'aller chercher l'argent, il est[1459] bien important que nous sachions au plus tôt ce qu'est devenue toute cette affaire : ce qu'on ne peut savoir que de M. Philippe. Dès que tu m'auras écrit où en sont les choses, je lui écrirai moi-même ce qu'il conviendra. Adieu, ma bonne amie, je t'embrasse mille et mille fois ; le petit aussi, baise-le bien de la part de son papa !

A Madame AmpèreCarron, grande rue Mercière, n° 18, ou au n° 15, chez les frères Périsse, libraires, â Lyon.
(2) D'après le contrat de mariage d'Ampère, ce M. Guérin devait 5000 francs à Ampère et 5000 à sa mère dont il paya 2000 en acompte le 24 novembre et dont nous allons le voir s'engager à acquitter le solde en floréal (avril). Mais, par contre, Mme Ampère mère avait eu recours à la complaisance de M. Coste et il en était résulté entre eux des comptes compliqués se soldant pour Mme Ampère par une dette d'au moins 5000 francs, dont Julie eut tardivement la révélation désagréable. M. Coste touchait de Guérin et remettait à Ampère ; mais il voulut qu'Ampère, en lui signant le reçu, spécifiât l'engagement de reconnaître pour sa part la dette de sa mère : celle-ci étant gagée par la propriété de Poleymieux dont Ampère avait abandonné la jouissance intégrale à sa mère, qui s'était chargée en échange de toutes les dettes.

Please cite as “L175,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 20 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L175