To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   5 décembre 1802

[1444]Du dimanche [5 décembre 1802]

Après avoir réfléchi au danger qu'il y avait de mettre ma quittance à la poste, je me suis décidé à attendre l'occasion de Pochon. Il te remettra en même temps six louis. Je ne brûle pas du tout mes affaires et ne fais de la chimie qu'avec ma culotte et mon habit gris et mon gilet de velours verdâtre. Tu me demandes si tu placeras tout chez M. Nallet ? Je ne vois pas qu'il fut possible d'en faire un meilleur usage. Les six louis que tu recevras avec cette lettre t'aideront à compléter les 1000 écus. Tu me dis que tu en[as] encore 7 ; cela avance le loyer et, au moyen de tes 1600 l[ivre]s, tu[1445] pourrais te faire peut-être un peu plus de 1000 écus, vu que j'espère te porter de l'argent à Noël, pourvu que j'en reçoive d'ici là. Que j'ai vu avec peine que tu eusses couru dans la boue et le brouillard pour cette affaire ! J'enverrai, par Pochon, mon gilet de pékin et mon pantalon, lorsque je verrai que le temps de mon bonheur approche. Noël, que j'attends comme les Juifs attendent le Messie ! Je te remercie bien de tous les détails que tu me donnes relativement au petit. Ils m'ont bien fait plaisir. Pauvre petit, il rêve que[1446] son papa lui fait de jolis cadeaux, tandis qu'il est si loin de lui et qu'il ne peut que lui envoyer quelques baisers ! Donne-lui en bien de ma part, ma bonne amie, je te les rendrai tous à Noël, et [le] taux d'intérêt que tu voudras. Enfin il n'y a pas trois semaines d'ici à Noël ; je viens de consulter l'almanach et j'y ai vu que, de vendredi en quinze, j'ai l'espérance d'embrasser ma Julie et mon petit ; car, s'il n'arrive point d'obstacle à mes projets, je partirai la veille de Noël de bon matin pour arriver le soir, et je tâcherai de rester près de toi jusqu'au mercredi suivant.

[1447] Du lundi [6 décembre 1802] J'espérais ce matin une lettre de toi, ma bonne amie, et j'ai été trompé dans mon attente. Je crains que tu n'aies écrit et que ta lettre ne se soit perdue. A l'avenir, je voudrais que tu adressasses tes lettres à M. Ampère chez MM. Dupras et Olivier, instituteurs à Bourg. Tu me diras bien dans ta première lettre si tu m'avais écrit ou non. Je me suis consolé un peu du chagrin que j'ai de ne point recevoir de tes nouvelles en relisant ta longue lettre de l'autre jour 1 qui m'a tant fait de plaisir et tous les détails que tu me donnes au sujet de la vaccine du petit m'ont fait croire un moment que j'étais près de lui et de toi. Je me suis[1448] aperçu , dans l'endroit où tu me parles de l'élève de chimie, que tu crois que je lui ai fait des expériences. Non, ma bonne Julie, il suit celles du cours et je ne fais que les lui répéter et m'assurer qu'il en a bien compris les causes. Cette leçon se donne au coin de mon feu, chez MM. Dupras et Olivier et souvent pendant que je déjeune. Je vais avoir un surcroît d'occupation dans la personne du fils Madinier, frère de Mme Dupras, qu[e son] père a envoyé chez son beaufrère apprendre l'arithmétique. On m'offre bien un dédommagement pour le temps que je lui donnerai. Mais je crois qu'il serait bien ridicule[1449] de l'accepter de la manière dont je suis bien ici. Je tâcherai seulement d'arranger les choses de manière à le faire, autant que je pourrai, profiter de la leçon des autres, afin de ne lui donner pas beaucoup de temps en particulier.

Du mardi soir [7 décembre 1802] Je vais porter la lettre chez Pochon avec les 144 l[ivre]s. Je n'ai que le temps de t'embrasser et de te charger de mille choses pour ta maman et ta sœur. A. AMPÈRE

A Madame Ampère, chez Mme Carron rue du Griffon, maison Simon, vis-à-vis la rue Tenaille, à Lyon.
(2) Lettre du 30 novembre, p. 203-204.

Please cite as “L182,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L182