To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   15 décembre 1802

[1134]Du Mercredi soir [15 décembre 1802]

Tu vas dire, ma bonne amie, que je te fais coûter bien des ports de lettres ; mais, dans la presse où j'étais ce matin de porter entre deux leçons ma lettre à Pochon, j'en ai oublié une faite depuis huit jours pour maman que j'avais voulu ne faire partir que par cette occasion pour éviter le port. Je ne m'en suis souvenu que quand il n'était plus temps de la faire partir aujourd'hui ; je te l'enverrai donc dans celle-ci demain ; car, si j'attendais plus long[]temps , autant vaudrait ne la pas faire parvenir,[1135] vu la proximité de mon voyage à Lyon ; ce qui serait de ma part une négligence impardonnable, car maman m'avait fait promettre de lui écrire bien des détails sur la position où je me trouverais ici, ce que je n'ai pas pu faire faute de temps . J'espère que tu lui as donné quelques détails là-dessus qui auront suppléé un peu à mon silence. Mais, quand cela serait, je le trouve si déplacé de ma part que je te prie de faire ce que tu pourras pour que ma lettre parte pour Poleymieux [1136] le plus tôt possible. Peu à peu le temps de mon exil s'écoule, ma bonne amie, et je vois s'approcher les moments de mon bonheur, c'est-à-dire de notre réunion. Je t'enverrai mercredi mon gilet de pékin et mon pantalon, et j'espère arriver à Lyon presque aussi tôt qu'eux. Madame Olivier, qui a dans la maison la surintendance du linge, a fait prendre tout mon linge sale qui remplissait la balle que tu m'as envoyée pour le faire blanchir avec celui de la maison ; je viens de l'apprendre en rentrant et cela me[1137] fera encore une bonne petite économie qui n'est pas à négliger. Cela vient d'autant plus à point que je ne suis pas en avance d'argent jusqu'à ce que j'aie reçu quelque chose du gouvernement qui ne se presse pas. Je sais pourtant de bonne part que nous serons payés exactement, mais en prenant un peu patience. Je vais m'aller coucher, ma bonne amie, en pensant à toi et au petit ; c'est là le seul plaisir qui me reste en attendant Noël. Mais aussi à Noël !... Et encore plus au premier germinal ! Que je voudrais avoir quatre mois de plus ! Mais il est tard. Adieu. Dors bien cette nuit !

[1138] Du jeudi [16 décembre I802] Bon jour à ma bonne Julie. Je me suis levé tant matin que j'ai pu pour achever ma lettre à cause que je voudrais bien qu'elle partît aujourd'hui pour arriver plus tôt à Poleymieux. Depuis hier je n'ai rien de nouveau à t'apprendre que le sort du pauvre M. Trèves qui est tom[] pour conscrit de l'armée active. Sans mon départ de Lyon, il aurait continué les mathématiques, où il e[st] déjà fort et serait p[assé] à présent à l'école Polytechn[ique.] Il m'a écrit et j'ai reçu sa lettre hier ; il me demande un certificat que je vais lui envoyer en lui faisant réponse.[1139] Adieu, ma bonne amie, dis bien à mon petit que son papa ira bientôt le voir ; tâche de lui faire comprendre cela en attendant que je puisse le réaliser ! Pauvre petit, tu ne me dis plus de ses petites gentillesses qui me faisaient tant de plaisir. Embrasse-le de ma part et dis-lui de t'embrasser pour moi ! Adieu, ma Julie, pense quelquefois à celui qui t'aime ! A. AMPÈRE.

A Madame Ampère, chez Mme Carron, maison Simon, rue du Griffon, vis-à-vis la rue Terraille, à Lyon.

Please cite as “L189,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L189