From Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   17 décembre 1802

[250]DuVendredi à 2 heures [17 décembre 1802]

Je reçois dans ce moment une lettre de Bourg. Tu devines qui c'est. Une pensée me tourmente que, cette lettre, il faut que je fasse tout ce que je pourrai, que je m'agite pour faire parvenir une autre lettre à Poleymieux : lettre que je demande depuis que tu es parti et que M. l'affairé n'a pas pensé à envoyer plus tôt - ce qui, soit dit en passant, n'est pas pardonnable. Mais revenons - Vous écrivez à votre mère : Je pense que Julie t'a fait des détails sur ma position ; je pense que Julie t'a conte l'affaire de M. Guérin. Et moi, mon cher Monsieur, je sais que Julie, avec sa patraque de personne, son déménagement, des occasions bien rares pour Poleymieux, un petit à garder, n'a pas eu un instant ; et, lorsqu'elle vous a écrit, il fallait bien que ce fût pour vous qui êtes son mari et qu'elle doit aimer, pour qu'elle le fît de bonne grâce.

Car, en vérité, mon bon ami, les jours sont si courts ; toujours des occupations nouvelles ;[247] tout cela prend mon temps, joint aux lettres que je t'écris. Ta maman ne sait donc point tout ce que M. Coste a reçu. Car je n'ai écrit qu'une fois à la hâte à ta sœur [illeg] Tu me dis que je fais bien des frais pour tes lettres. J'y pensais aujourd'hui en recevant cette double lettre qui m'a coûté 8 sols et celle de M. Beuchot 12 sols. Je croyais que tu faisais cela sans réflexion ; mais, puisque tu y penses, c'est tout ce qu'il faut ; car autrement tu me ruinerais et je veux vite te dire que je ne veux pas être ruinée. Tu m'as fait peur dans ta lettre. Tu commences d'un air indifférent à me dire que tu n'es pas trop bien en argent, mais que tu espères pour après [illeg] N'as-tu pas déjà convoité de me reprendre de celui que tu m'as envoyé ? Je suis bien aise[248] d'avoir été assez rusée pour m'en douter. Car je te dirai toujours que je n'en ai plus et il faudra bien que tu le croies.

Mais je m'amuse à bêtiser ; je suis pressée de faire partir cette lettre par Pochon et faire une enveloppe à celle de ta mère, lui dire quelque chose pour qu'elle ne pense pas, comme son fils, que je ne fais de toute la journée que rire, chanter, penser à ma toilette et à être trouvée jolie dans les brillantes soirées où je vais, où je suis sans cesse. Tu vois que je sais tout ce que tu penses. Aussi je te quitte parce que tu le mérites bien, en t'embrassant de tout mon cœur [illeg]

Au citoyen Ampère, professeur de physique à l'école centrale du département de l'Ain à Bourg

Please cite as “L190,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 10 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L190