To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   4 janvier 1803

[1584]Du mardi matin [4 janvier 1803]

Tu as sûrement trouvé, ma bonne amie, ma bourse que j'ai laissée dans mon habit bleu. Je te prie d'envoyer le plus tôt que tu pourras Marie au bureau de la diligence de Meyrel, sur le quai Saint-Vincent près du pont ; elle demandera M. Meyrel de la part de M. Ampère et lui remettra 24 s[ou]s pour ma diligence \place/ que je n'ai pas payée. Tu pourras prendre ces 24 s[ou]s dans ma bourse et m'envoyer le reste avec les deux clefs qui sont dans la même bourse et ce que tu pourrais trouver dans mon habit bleu qui eût l'air d'avoir été oublié. Tu sens que je serais resté dans l'embarras si j'avais manqué le courrier. On me dit en arrivant à Châtillon qu'il venait de partir. Je courus de toutes mes forces et, comme il y a une montée très rapide en sortant de Châtillon du côté de Bourg [1585] et que cette montée retarda le cheval, je l'atteignis heureusement. Je suis arrivé à 7 h. 3/4 peu fatigué ; car le temps avait été superbe et le chemin assez beau. Il fait beau encore aujourd'hui et j'espère que le petit se portera \trouvera/ mieux et pourra sortir et sera moins fatigant pour toi. Je te prie de me donner des nouvelles d'élise, de lui marquer bien de l'intérêt de ma part, de dire bien des choses pour moi à ta maman. La pauvre élise, où en est-elle de ses idées noires ? Te boudet-elle toujours pour t'affliger et faire son propre malheur ? Ma pauvre Julie, que je me trouve attrapé, c'est bien là le mot qui peint ma situation, attrapé de voir que ces huit jours, passés près de toi comme un éclair, me laissent précisément comme j'étais avant ! Mes[1586] leçons ont déjà repris leur cours. Toute ma vie se retrouve la même ; mais j'ai gagné de doux souvenirs et perdu une douce espérance, celle de t'aller voir bientôt. Il faut à présent porter mes désirs sur un avenir éloigné de six semaines, et qui encore ne m'offre qu'un peutêtre et point de certitude. Comment t'es-tu trouvée d'avoir été réveillée au milieu de la nuit ? Peut-être n'as-tu plus pu te rendormir ? Peut-être as-tu été bien fatiguée hier et peut-être, encore à présent, es-tu dans ton lit, tandis qu'après avoir bien dormi je viens de bien déjeuner au coin de mon feu. Je comptais remettre cette lettre à Pochon : mais, dans la crainte que tu n'eusses plus le temps de faire remettre les clefs et la bourse à M. Gambier avec son argent et les 2 exemplaires[1587] de mon ouvrage * avant que sa caisse fût clouée, je la fais partir par la poste. Je t'écrirai plus au long par Pochon. Je crains extrêmement que M. Gambier, le plus lambin des hommes, ne fasse pas partir sa caisse ce voyage de Pochon : ce qui me dérangerait absolument. Je ne voudrais pourtant pas que cela t'engageât à sortir si tu es fatiguée. Je tremble en te donnant des commissions, quelques nécessaires qu'elles me soient. Je t'embrasse mille fois et le petit aussi.

A Madame Ampère, chez Mme Carron, rue du Griffon, maison Simon, vis-à-vis la rue Terraille, à Lyon.

Please cite as “L196,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L196