From Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   8 mars 1799

[72] du Vendredi matin \ De Julie /

[hand: Julie]Nous voyons avec plaisir, Monsieur, que votre maladie ne fait pas errer votre imagination sur des objets tristes. Le talisman composé avec le plus de soin ne pourrait rien ajouter à la magie qui vous environne ; tout paraît animé autour de vous ; le coin de la cheminée, qui d'ordinaire pour un malade est un endroit fort maussade , vous fait rêver agréablement. Continuez, M[onsieu]r, à faire des châteaux agréables et, en suivant les conseils de prudence que vos amis vous donnent, vous pourrez vraisemblablement jouir dans peu du plaisir de la campagne. Mais vous savez que mon refrain est : trop de précipitation gâte tout . C'est ce qui arriverait si vous n' attendiez pas pour venir la libre sanction de la maman ; car vous êtes sûr qu'ici chacun vous ferait une grosse querelle, et surtout Julie.

Dans l'instant où j'étais après vous écrire est arrivée la domestique de la maman qui nous a apporté un gros paquet. Vous avez souffert des dents [73]et vous écrivez des volumes ; c'est vouloir éterniser ses maux. Ce n'est pas moi qui vous empêcherai de venir ; mais, si vous faites tout ce qui peut vous faire mal \rendre malade/, vous serez retenu malgréz vous ; ce serait une folie sans exemple de penser à voyager par un temps aussi froid. Lorsqu'il ferat beau et que vous aurez repris toute votre santé, alors je pense que je n' aurai plus à craindre la rougeole . C'est au docteur à décider du jour ;et comment pourrais -je le faire, moi qui ne sais ni le temps qu'il fera ni comment vous vous trouverez  ? C'est à Mademoiselle votre tante, c'est à ma sœur à qui il faut vous en rapporter . Ce que ces dames auront décidé sera approuvé par les habitants de la petite maison blanche. Mais, si vous n'êtes pas soumis à tous leurs avis, docile à tous leurs conseils, vous ne serez pas excusable et les talismans ne vous aideront plus à prendre patience .

Vous voudrez bien, M[onsieu]r, me rappeler , ainsi que ma sœur, au souvenir de Mademoiselle votre tante en lui présentant nos respects.

Julie

Monsieur, lorsque mes enfants étaient petits et malades , pour les engager à garder la chambre, je leur promettais des joujoux ou des bonbons .

Mais pour le grand M[onsieu]r Ampère, il lui faut un talisman si l'on ne veut pas le voir franchir toutes les montagnes du Mont d'Or. Vous ne savez donc pas que je suis la fée transie et que ma puissance n'a point le feu ni l' étendue de votre imagination . Mes talismans sont broyés avec une infusion de patience , quelques grains de calme, un peut de plaisir et beaucoup de modération. Vous diviserez toutes ces parties , cela vous [illisible] \prendra/ a\s/sez de temps pour ne point fatiguer vos yeux à l'écriture, ce qui pourrait vous faire beaucoup de mal. A la suite de la maladie que vous avez, il faut éviter l' application et les impressions de l'hair. Je suis avec considération. Bien des choses pour moi à M[ada]me votre mère, [illisible] \ainsi/ qu'à la chère tante. Antoinette BOYRON, Veuve Carron

A Monsieur Ampère dans la rue de Grolée, du côté de la place des Cordeliers à Lyon.

Please cite as “L22,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L22