To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   8 mars 1803

[1079] Du Mardi soir 7 h[eures] [8 mars 1803]

Je n'ai pas eu un moment de liberté depuis samedi. Je vais te raconter tout ce qui s'est passé. MM. Delambre et Villars arrivèrent samedi à 4 h. 1/2. M. Clerc vint m'avertir que tous les professeurs y iraient en corps à 6 h. 1/2 ; nous n'y arrivâmes qu'à 7 h[eures] ; ils n'avaient pas encore dîné et, les voyant prêts à se mettre à table, nous ne nous assîmes seulement pas et sortîmes assez promptement. Je reçus quelques honnêtetés de plus, ainsi que M. Clerc. M. Villars me suivit pour me prendre la main. Dimanche j'écrivis la suite de mon mémoire et je fus ensuite ranger le cabinet\et le laboratoire/. Ils dirent à MM. Dupras et Olivier, qui furent les voir, que, le lendemain lundi, ils visiteraient[1080] leur pension. L'examen des leurs élèves a eu lieu hier et aujourd'hui ; il ne finira que demain. Je fus faire une seconde visite à ces MM. lundi matin à 9 h[eures] ; j'en sortis à 10 h[eures] ; \je reçus / un accueil très distingué. L'un d'eux me dit si je ne serais pas bien avec M. Mollet qui semblait un bon enfant, comme pour s'excuser de le faire passer avant moi. L'autre me dit \ajouta/ que, s'il y avait des machines au cabinet de Bourg qui pussent m'être utiles au Lycée de Lyon, il fallait que je leur en \'en/ donnasse la listepour qu'ils les fissent porter à Lyon, parce qu'ils ont \qu'on a/ droit de prendre, dans les dépôts de livres et instruments des écoles centrales, les objets qui peuvent convenir aux Lycées ; on donne le[1081] reste aux villes où se trouvent ces dépôts. On a examiné les élèves \furent/ dans ma chambre hier depuis 10 h. 1/2 du matin jusqu'à 4 h[eures] ; aujourd'hui depuis 9 h. 1/2 jusqu'à 4h. 1/2. [illisible] Je n'ai pas quitté, pendant tout ce temps , MM. Delambre et Villars. Mes élèves n'ont pas mal répondu sur les mathématiques ; mais ils avaient trop peu de leçons pour être forts. Ils l'ont été extrêmement sur tout le reste et les inspecteurs ont été si enchantés qu'après l' \après /avoir témoigné de mille manières, ils ont fini par dire à MM. Dupras et Olivier qu'ils n'avaient point encore trouvé de pension qui valût la leur. J'ai causé aujourd'hui une bonne demiheure avec M. Delambre dans un intervalle d'examen, à peu près[1082] autant en 2 ou 3 fois avec M. Villars. Juge comme je suis content de me voir sûr du Lycée et de savoir que tu te portes mieux. Dans ta charmante lettre que j'ai reçue \de/ dimanche soir avec mon pantalon, il y en avait une d'élise, jolie au possible, qui me donnait de bien doux détails sur ma Julie et mon petit. Pauvre petit agneau comme elle l' appelle , quand le reverrai-je ?...

D'aujourd'hui en quinze, le 1er germinal, je me retrouverai près de toi ! Dis à élise qu'elle me pardonne de ne lui faire réponse qu'après le départ de ces MM. ; pas un moment de temps ; voilà 2 soirs que je ne me couche qu'à minuit pour écrire mon mémoire. Il est bien avancé et je le finirais ce soir si je veillais autant qu'hier ; mais ce sera pour demain et je me coucherai aujourd'hui dès que[1083] j'aurai soupé. Je ne pourrai pas t'écrire demain matin. Depuis l'instant de mon lever , j'aurai des élèves à faire répéter jusqu'au moment où ces messieurs viendront. J'espère que mes élèves de physique répondront au moins aussi bien que ceux d'ici. Aussi les fais-je repasser avec tout le soin possible. J'ai prolongé tous ces jours-ci leurs leçons jusqu'à 7 h[eures]. Les inspecteurs généraux ne feront sûrement pas la visite avant vendredi ou samedi à l'école. Voilà une semaine qui passera comme les autres et il ne m'en restera plus qu'une [à] demeurer loin de tout ce que j'aime. Je l'emploierai à faire mes paquets : ce sera pour moi une bien douce occupation. Tu me dis que tu serais bien ennuyée si j'étais obligé de rester ici jusqu'à l'ouverture du Lycée. Oh, tu ne te figures pas comme cette idée empoisonnerait tous les moments de repos que je puis avoir.[1084] Je sais que cela nous rendrait bien de l'argent ; mais que deviendrais-je après m'être tant flatté d'atteindre enfin le premier germinal ? Au reste, cela paraît de toute impossibilité, quoique le préfet ait présenté une pétition pour obtenir la continuation complète de l'école centrale jusqu'à l'établissement du Lycée de Lyon. Cette dernière circonstance doit cependant nous empêcher de louer l'appartement dont tu me parles, qui d'ailleurs conviendrait fort de toute manière s'il n'était pas si cher. Tu sais bien qui j'embrasse de tout mon cœur.

A Madame Ampère, chez Mme Carron, rue du Griffon, visà-vis la rue Terraille, à Lyon.

Please cite as “L228,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L228