To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   17 mars 1803

[1049]Du jeudi [17 mars 1803]

J'ai donné ce matin une lettre à M. Berger pour te remettre ; je vais lui porter celle-ci et j'espère que tu la recevras en même temps que l'autre en sortant de table. J'ai reçu trois lettres, une de Marsil et deux de ma Julie 1. Que j'ai pleuré en lisant la dernière ! Il faut que je sois le plus méchant des hommes, ma bonne amie ; dismoi ce qu'il faut que je fasse pour réparer ce que j'ai fait. Je crois que je n'avais plus ma tête quand je répondis à ta dernière lettre. Je ne sais quelle impression elle avait faite sur moi ; mais, venant le jour de mon ivresse des succès que j'avais[1050] obtenus, m'annonçant que tu étais inquiète de ce que je ferais pendant les trois mois qui restent jusqu'au premier messidor et que tu croyais nécessaire que je restasse loin de toi 2, elle me troubla tout l'esprit. Je ne croyais pas d'ailleurs qu'il eût rien d'écrit, ni surtout de signé par Marsil, mais seulement des paroles données. Et, quand je voulais me targuer de ce que j'étais absent et nullement averti de tout ce qui se passait, ce n'était toujours qu'au cas que tu eusses autant d'envie que moi de rompre le marché. Je suis bien aise qu'il tienne ;[1051] car il est certain, que, si nous pouvons louer la chambre qui te conviendrait le moins, nous serions à merveille. Quant au Lycée, il est sûr que j'y serai. Voici une nouvelle circonstance, car je n'apprends que par hasard ce que MM. Delambre et Villars ont dit de moi. M. Delambre, parlant le lendemain de la séance de la Société d'émulation où j'avais lu mon mémoire [a dit] que Laplace ni Lagrange ne désavoueraient pas ce mémoire, s'ils en étai[ent] les auteurs. Je te dirai que j'a[i] fait une nouvelle découverte ce matin, au-dessus de tout ce que j'avais fait jusqu'à présent. Oh, oui, bien au-dessus ; si elle me conduisait au but que[1052] j'en attends, je serais immortalisé. Tu trouveras ici deux almanachs pour Marsil. J'ai eu les deux pour 50 s[ous] et celui de l'an dix, seul, en vaut 30 s[ous]. Comme ils font suite ensemble, j'ai pensé que, pour 20 s[ous] de plus, on serait bien aise de les avoir tous deux. Celui de l'an XI ne traite que des ruines et anciens monuments du département. Demande pardon à Marsil, en lui remettant les livres qui sont très pressés, de ce que j'avais oublié sa commission. Elle m'était sortie tout à fait de la tête. Pardon, pardon, que je t'embrasse malgré la sottise qui m'en rend indigne !

A Madame Ampère, chez Madame Carron rue du Griffon, vis-à-vis la rue Terraille, à Lyon.
(2) Lettres 0233 et 0234.
(3) Voir la Lettre 0231.

Please cite as “L236,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L236