From Elise Carron (sœur de Julie)   août 1803

[Août 1803]

Tu étais déjà sorti lorsque je rentrai pour te recommander de voir M. Brac, mon bon Ampère. Je sais qu'il n'est plus doux de s'occuper de soi, que tout est égal ; aussi n'est-ce pas pour toi que je t'en prie. Dis, ne penses-tu pas que cette ombre chérie voltige autour de nous et s'intéresse encore à ceux qui lui étaient si chers ? Je l'appelle si souvent la nuit, je crois l'entendre, j'écoute et, si ce n'est elle, c'est quelque chose d'elle-même qui me dit : Je suis là, calme-toi, nous nous reverrons, ne te tourmente pas, tu me fais mal, tu m'affliges ! Ah, elle me le disait si souvent en m'embrassant. Mon pauvre Ampère, nous avons tout perdu l'un et l'autre. Je ne cherche pas même à me consoler. L'idée de consolations me déplaît. Chercher à l'oublier me révolte et je ne puis souffrir que ceux qui m'en parlent. Le jour qui me réunira à celle que mon cœur avait choisie sera le plus doux que je puisse me promettre. Pauvre petite, sais-tu qu'elle m'a serré la main droite, je la sens encore, elle me regarda, je pleurai et je me sauvai pour toujours, pour bien longtemps peut-être puisqu'il est vrai qu'on ne meurt pas de douleurs. Mais je t'écrivais pour te dire qu'il faut absolument voir M. Brac. N'ajoute pas à mes chagrins celui de savoir le mari et l'ami de ma Julie dans l'isolement et l'abandon ! Son fils est aussi bien qu'il peut l'être, pauvre petit.

Adieu, adieu, peut-être un jour pourrai-je te parler d'elle sans contrainte ; mais, à présent, il n'y a pas moyen. Ils croient qu'en parler, c'est t'en rappeler le souvenir ! ELISA.

Please cite as “L250,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L250