To Elise Carron (sœur de Julie)   26 janvier 1805

26 janvier [1805]

Combien j'ai éprouvé de sentiments divers, ma chère sœur, en lisant la lettre que tu m'as écrite ! Pleins tous deux des mêmes souvenirs, nous souffrons les mêmes peines. Mille choses se réunissent pour me distraire. Des projets d'avancement, des recherches abstraites, la société des savants, un séjour bien éloigné de Lyon et toi, ma pauvre sœur, quelle différence ! Tout se réunit pour te tourmenter. Oui, je sens cette différence, tu es peut-être la plus à plaindre : toujours dans une position où il me serait impossible de substituer. Au reste ces projets, ces recherches, ces savants ne sont pas capables de m'occuper longtemps ; toujours je reviens aux idées que je devrais m'efforcer d'éloigner de ma pensée. On me dit que je devrais faire pour cela tout ce qui est en mon pouvoir, mais je n'y réussirais jamais, mais je n'en ai pas même la volonté. Quelquefois, il me vient l'envie de tout quitter et d'aller à Poleymieux pour être tout à mes pensées et au pauvre petit. Les dernières nouvelles que j'en ai reçues sont des plus satisfaisantes. Il est fort bien portant. Pauvre enfant, il ne sait pas combien il est à plaindre.

Il y a une chose dont je veux te parler. elize, tu me dis de le garder. Puis-je le faire venir à Paris 1 ? Je veux le laisser à des mains qui en aient soin. C'est un monument de douleur que je voudrais éterniser, et qui peut le conserver avec plus de soin que toi ? Au reste, tu as bien raison, qu'il ne rentre jamais d'où il est sorti ! mais tu n'y vivras pas toujours ; alors prends-le avec toi et qu'il ne te quitte plus...

On m'a donné hier pour nouvelle que Carron était courtier de change ce qui lui promet la place de son oncle. Je vais chez lui pour savoir si cette nouvelle est vraie, et je ne fermerai pas ma lettre que je ne puisse te dire avec certitude ce qui en est. J'ai été en effet chez Carron, et la nouvelle que je te donnai hier est vraie. C'est M. Degérando qui l'a fait nommer. Je ne t'écrirai pas davantage aujourd'hui, je me sens trop ennuyé de mon existence.

Adieu, ma sœur, offre à ta maman l'hommage de la tendresse et de la reconnaissance d'un fils qui devait ce titre à son choix, et qui fera toujours du bonheur qu'il a eu de le porter la pensée de tous les moments de sa vie. Quant à ce qui regarde mon intérêt, ma position, tout va comme je le souhaite... Adieu, adieu ma sœur A. AMPÈRE

A Mademoiselle elize Carron, chez Mlle Carron, rue du Griffon, n° 15, vis-à-vis la rue Terraille à Lyon.
(2) Il doit s'agir d'un portrait de Julie Carron, qui devrait avoir passé par Mme Rivail à la famille Bodin.

Please cite as “L266,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L266