To Jacques Roux-Bordier   19 mai 1805?

29 floréal au soir [19 mai 1805 1]

Mon cher Roux, j'ai voulu, pour répondre à vos questions relativement à Piestre, attendre d'avoir été à Auteuil. J'y ai dîné aujourd'hui chez M. de Tracy avec le maréchal de La Fayette, que j'ai eu un grand plaisir à examiner comme un homme extraordinaire, ou plutôt comme l'ami de Washington et l'un des fondamentateurs {sic} de la liberté de l'Amérique. J'éprouvais en le voyant un sentiment de vénération très singulier.

Quant au livre de Piestre 2, MM. de Tracy et Cabanis le trouvent inégal mais contenant ce qu'ils appellent de bonnes choses. L'un d'eux m'a dit que les vingt premières (pages) lui avaient paru extrêmement belles, mais que le reste n'y répondait pas partout. M. Cabanis disait aussi : cet homme est capable de faire très bien, mais tout ce qu'il dit n'est pas exact. M. de Tracy pense que c'est Guinguené qui a fait l'article de la Décade. Voilà, mon cher ami, les renseignements que je puis vous donner à cet égard ; mais, si la tolérance m'engage à vous les donner, elle ne saurait aller jusqu'à demander à ces messieurs d'en parler dans les journaux : c'est comme si j'engageais un apothicaire à mettre en vente de l'arsenic.

Vous ne sauriez croire à quel point je suis curieux de connaître vos recherches physiognomoniques. Ne pourriez-vous m'en dire quelque chose dans votre prochaine lettre ? J'espère du moins que vous me les développerez quand nous nous verrons dans trois ou quatre mois. Je suis bien fâché que vous ne trouviez point de domaines qui vous conviennent auprès de Lyon. Ne quittez pas vos amis, cherchez encore et vous en trouverez, ou bien il s'en présentera qu'on n'a pas encore mis en vente. Quelle que soit votre résolution, je vous demande votre parole de ne pas quitter Lyon avant que les vacances me donnent la liberté d'y aller.

Dites, je vous prie, à M. d'Ambérieux combien je suis sensible à son amitié. Quel plaisir j'aurai à le revoir ainsi que tous mes amis de Lyon, ou plutôt mes seuls amis ! Faites mille amitiés de ma part à Bredin, Bonjour, etc. Parlez quelquefois de moi et aimez-moi toujours comme je vous aime. A. AMPÈRE

Pour remettre, s'il lui plaît, à M. Roux de Genève, à Lyon (Rhône)
(2) 29 floréal, 18 ou 19 mai 1804 ou 1805. Le calendrier républicain ayant cessé le 1er janvier 1806. Il est question du même groupe dans la Lettre 0282 et dans la Lettre 0288.
(3) Piestre, Jean-Louis Les crimes de la philosophie, Paris, 1804.

Please cite as “L272,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L272