From Daburon (Abbé)   8 juillet 1805

[6] Gênes, 8 juillet 1805 1

Mon cher ami, La réunion de cette petite république à l'empire français m'a procuré l'avantage de voir deux hommes qui vous connaissent et par là même vous estiment. C'est M. Degérando, ce profond métaphysicien dont j'ai vu plusieurs fois les ouvrages entre vos mains et M. Baudard, condisciple de M. Guéneau, votre ami. Quelle a été ma satisfaction, très cher ami, de m'entretenir de vous avec eux, et d'apprendre de leur bouche que déjà vous réunissez à Paris les suffrages des savants et particulièrement de profonds analystes. Ils ont eu la bonté de me dire l'un et l'autre que je suis regretté à Lyon et M. Degérando, secrétaire général du Ministère de l'Intérieur, m'a fait concevoir l'espérance de rentrer au Lycée et d'y avoir la censure des études, dans la supposition très probable (silence !) que celui qui en est chargé sera placé ailleurs.

[7]Je n'ai pas eu d'autre conversation avec votre ami, son départ inattendu m'a privé du plaisir de le voir une seconde fois. M. Baudard, que je vis deux jours après lui et qui veut bien se souvenir avec intérêt de son ancien professeur, m'a fait l'amitié de me confirmer ce que m'avait dit M. Degérando. Voulez-vous bien, Monsieur, être l'interprète de ma reconnaissance et, si le nouveau proviseur inspire de la confiance dans ses principes et qu'il ne croie pas que la morale religieuse doive être étrangère à l'éducation, contribuez, Monsieur, par vous et vos amis, à me faire nommer censeur dans votre ville qui est devenue pour moi une seconde patrie, parce que j'y possède d'excellents amis.

Vous aurez par les papiers publics des détails sur les fêtes magnifiques qu'on a données ici à l'Empereur. Mais ce qui peut-être ne sera pas imprimé, c'est que le Cardinal Mansi est le seul qui ait eu une audience particulière de S. M. J. F. Elle a duré trois quarts d'heure. On cite ces paroles flatteuses de l'Empereur : Je sais tout le bien que V. E. a voulu faire à l'état ; je sais aussi que vous jouissez à Paris d'une bonne réputation. Majesté, lui a répondu le Cardinal, de grâce ne parlez pas de réputation. Il n'y en a plus qu'une en France et dans le[8] monde entier. Ne manquez pas, mon excellent ami, d'offrir mes respects à Madame votre mère et de me donner des nouvelles de la famille. Ma santé est bonne et c'est à mes yeux un phénomène, car le chagrin et l'ennui me privent du sommeil depuis deux mois.

Ah, mon ami, je ne vois ici que des corps. C'est à Lyon que je veux aller chercher des âmes. Je vous assure que la mienne est flétrie et que j'éprouve bien, par ce qui me manque dans ce moment, que le bonheur se compose d'éléments spirituels. Puisez-en dans une société d'amis et continuez à vous faire pardonner vos talents. Votre ami pour la vie DABURON.

[9]à M. Ampère, répétiteur d'analyse à l'École Polytechnique, faubourg Saint-Germain, à Paris
(2) Quatre pages 21 x 29.

Please cite as “L273,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L273