To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   1800

[1538]Du vendredi [1800]

Ma chère, ma bonne Julie, ma charmante amie, il y a déjà vingt-quatre heures que je ne t'ai pas vue, et il me reste encore bien plus de temps à passer loin de toi. Aussi le temps me dure bien et, si tu ne me l'avais pas défendu et que je n'eut pas la visite de M. Jantet à faire demain, j'irais t'embrasser ce soir à S[ain]t-Germain. Si je n'ai pas fait ce matin la visite de M. Jantet, c'est qu'un nouvel élève, qui était venu avant-hier, avait dit à Louison qu'il reviendrait aujourd'hui ; il vient de s'en aller, et tout paraît bien aller, excepté les heures, il veut venir, du moins en commençant, à 7 h[eures] du matin. Je ne sais à quoi je me déciderai. J'en étais là de ma lettre quand j'ai reçu la tienne 1.[1539] Non, non, ma Julie, le talisman même ne m'avait pas fait tant de plaisir ; je me suis fermé dans ta chambre, j'ai bien pleuré en la lisant, mais c'était des pleurs de volupté. Âme sensible, ingénue, de quel trésor le ciel m'a rendu possesseur ! Le plus barbare des hommes serait attendri en te lisant, comme le plus froid en te voyant. Ma pauvre amie, est-il possible qu'il y ait des chagrins pour toi ! Tu me dis que nos maux et nos plaisirs sont pour tous deux ; mon bonheur te serait-il étranger ? Ah, il devrait suffire pour te rendre heureuse. As-tu bien songé à moi à dix heures du soir ? Je revenais seul de chez tes cousins. Séparé de toi, toi seule occupais ma pensée ; je pensais à tant de soirs où tu[1540] en étais revenue appuyée sur mon bras. Tout le monde s'y porte bien. S'il en était de même à S[ain]t-Germain, je serais tranquille ; mais toi..., mais ta maman...

Tu me rassures sur ta santé, et tu m'as par là débarrassé d'une grande inquiétude, mais il m'en reste bien encore jusqu'à samedi, jusqu'à samedi soir... Adieu, ma pauvre Julie, mes élèves m'attendent et je suis obligé de te quitter, ou plutôt de quitter le seul \l'unique/ plaisir qui me [illisible] \reste/ en ton absence. Dis tout ce que tu pourras de plus tendre de ma part à ta maman et à ma sœur la seconde. Dis aussi bien des choses à Mme Sarcey, à ma cousine. Je ne puis pas t'embrasser de si loin ; mais vois-tu, Julie, j'ai bien baisé cet[1541] endroit.

Baise-le un peu pour moi, en attendant samedi que je ne serai plus réduit à baiser du papier. Que ce samedi est encore loin. Adieu ma tendre amie, adieu tout mon amour, tout mon bonheur ! Celui qui t'adore à jamais. A. AMPÈRE.

A ma Julie, chez Madame Carron, à S[ain]t Germain au Mont d'Or.
(2) Lettre 0036.

Please cite as “L28,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L28