To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   22 avril 1800

[1502] Lyon le mardi matin [22 avril 1800]

[hand: André-Marie Ampère]Je n'ai pas pu t'écrire hier, ma bonne amie ; mes élèves ne me laissèrent libre que très tard, et il a fallu aller au Lycée. Je m'en dédommage aujourd'hui pendant que Sibert achève tout seul un calcul sur la planche noire. Ma bonne Julie \Ma bonne Julie/, pourquoi est-ce que tous mes jours ne s'écoulent pas près de toi ? Qu'ils seraient heureux si je te voyais sans cesse, si je pouvais te dire à chaque instant combien je t'aime ! Si je suis méchant quelquefois, c'est quand j'ai passé un long temps loin de toi, et sans respirer l'air de douceur et de bonté que tu a exhales . C'est bien vrai au moins que je vaux mieux près [1503] de toi, et que, quand j'aurai passé quelques années auprès de ma Julie, je deviendrai bien meilleur. On m'a donné de bonnes nouvelles de Bellerive. Mme Périsse est revenue ce matin avec ses enfants . J'irai voir ce soir ton frère parce que Louison m'a dit qu'il partait demain. Je souperai probablement avec lui, car Madame Carron l'a fait promettre à Louison. Voilà toutes les nouvelles du pays. Le chagrin que ton bon ami a de se trouver loin de toi n'en est pas un , ce n'est pas la première fois qu'il a gémi de ton absence ; mais, depuis que tu m'aimes, je n'avais jamais vu devant moi un plus grand intervalle de chagrins.[1504] Une semaine tout entière !... Que j'aurais eu de plaisir à t'aller trouver dans le courant de la semaine ! Mais j'aurais été obligé de manquer la leçon de Panette et celle de M. Jules le soir ; ç'aurait été plus de 40 s[ols] qu'il t'en aurait coûté ; cela me fait trouver la pénitence que tu m'as imposée plus juste. Que ne puis [je] te procurer de l'argent au prix des plus dures privations ! J'ai oublié de te dire, ma bonne amie, que j'ai emporté par distraction un livre d'heures qui appartient à ma tante. J'ai été bien surpris en chemin de le trouver dans ma poche. Si Bois vient cette[1505] semaine, il te le remettra plié dans le même paquet que la robe de ta maman. Les volontaires sont resté un jour de plus et le bureau central a décidé que je devais payer ; il a donc fallu donner encore 30 sols à l'hôtesse. Mes dents ne me font plus tout à fait tant de mal, quoique j' aie encore bien de la peine à manger. Je ne m'en soucie guère au reste pourvu que mes deux Julie se portent bien. La plus petite saute-t-elle toujours de temps en temps  ? Te rappelle -t-elle souvent que son papa ne vit que pour toi ? qu'il est si triste loin de toi !

Please cite as “L31,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L31