To Claude-Julien Bredin   26 juin 1807

[26 juin 1807]

Mon ami, Barret aussi avait tout deviné ; sa lettre m'a pénétré. J'ai donc perdu : d'abord ce que j'ai aimé avec passion, et puis ce que j'ai cru aimer. Mes enfants, ma sœur, Ballanche, Bredin, voilà ce qui me reste, et je suis loin de vous. Oh, comme j'ai prié et pleuré en allant hier à la messe ! Il me semblait que Dieu me parlait. Qu'exige-t-il de moi ? N'aurai-je personne pour me soutenir, retomberai-je loin de lui ?

Du 26 J'en étais là de ma lettre quand on est venu l'interrompre. Depuis le dernier éclat, M. Potot m'envoie ce qu'il appelle des conciliateurs pour m'engager à de nouvelles soumissions, mais j'en ai déjà trop fait 1. La première condition est d'abjurer des opinions qu'il regarde comme insensées : opinions sans lesquelles il n'y a pas de morale pour moi ; je ne le ferai jamais. Ces conciliateurs, qu'il les choisit mal pour ses vues ! Celui que je viens de quitter a terminé un long tête-à-tête en me serrant dans ses bras et en me disant que son plus grand honneur serait d'avoir un ami tel que moi. Qu'est-ce que tout cela ? Dans l'abîme où je suis, on va nous séparer. Je vous reverrai bientôt ; j'irai auprès de ma mère et de mon fils. Ce dernier me pardonnera-t-il de l'avoir sacrifié un instant ? Adieu, je vous serre contre mon cœur.

(2) La phrase d'Ampère montre que les démarches des conciliateurs ont eu lieu peu avant son départ de la maison Potot le 26 juin.

Please cite as “L316,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L316