To Claude-Julien Bredin   16 juillet 1807

[Jeudi 16 juillet 1807]

[1]Enfin, mon cher ami, d'après la lettre de notre bon ami Roux, je sais que vous êtes de retour à Lyon. J'aurai enfin de vos nouvelles. La main me tremble en vous écrivant du plaisir que cet espoir m'a fait sentir. Dites-moi d'où vient, mon ami, que mon cœur, privé des affections dont j'espérais le bonheur de ma vie, semble s'être attaché tout entier à la douce idée qui m'est restée de notre amitié. Si vous saviez ce que j'ai souffert de votre long silence ; car voilà plus de deux mois que je n'ai pas de vos nouvelles ! J'en savais la cause, mais rien ne pouvait remplacer cette privation... Enfin vous êtes à Lyon, je suis sûr que vous m'avez déjà écrit, et que je recevrai une lettre avant que celle-ci vous parvienne. Je n'ai rien de nouveau à vous dire sinon que mon âme est[illeg].

[2]Il y aura demain vendredi quatre semaines que j'ai vu pour la dernière fois celle qui n'a plus voulu me voir de sa vie 1. Ce souvenir me trouble encore ; mais je suis résigné, et, quand je compare cette position triste et calme aux affreux tourments de cet hiver, je me trouve heureux par comparaison.

J'ai été voir ma fille deux fois chez sa nourrice. Comme mon cœur s'est serré en l'embrassant 2 ! Mais il faut écarter ces idées et penser qu'il y aura encore du bonheur dans ma vie, puisque, dans 15 jours ou trois semaines, je serai près de vous, près de ma mère, de mon petit Jean-Jacques, de tous nos amis. Cher Bredin,[3] parlez avec eux de leur pauvre ami ; dites-leur que ce n'est qu'en pensant à tout ce que je chéris à Lyon et à Poleymieux que je trouve quelque repos ! Bonjour est un de ceux à qui je pense plus souvent, quoiqu'il semble m'avoir oublié. Je vous ai dit pourquoi je ne lui avais pas écrit. Déroche m'a écrit il y a quelques jours la lettre la plus touchante.

Je me souviens toujours de celle que Chatelain m'écrivit cet hiver. Donnez-moi de ses nouvelles et de celles de sa femme ! Dites-moi combien il est heureux ! Ne craignez pas d'aggraver par là mon chagrin ; ce n'est pas cette sorte de bonheur que je regrette. C'est celui que j'aurais goûté si j'avais suivi les conseils du pauvre Bonjour, quand il me représentait ma folie de quitter Lyon. Que[4] ne puis-je m'y retrouver dans la même position où j'étais ! Mais cela est impossible ; il n'y faut pas penser. Mon ami, mon cher Bredin, aimez-moi toujours, parlez de moi à ceux qui m'aiment. je serai du moins par la pensée au milieu de vous. Je vous prie de présenter mes respects à Monsieur votre père, à Madame votre mère et à Madame votre épouse. Quelle reconnaissance ne lui dois-je pas de rendre mon ami heureux autant qu'il dépend d'elle !

A Monsieur Deroche, imprimeur, place des Terreaux, maison Saint-Pierre, pour remettre, s'il lui plaît, à M . Bredin, fils, à Lyon (Rhône).
(2) Il a quitté la maison le vendredi 26 juin 1807 ; sa fille est née le 6 juillet. Les quatre semaines depuis le départ datent la lettre.
(3) Le 12 août 1807 on réclama à Ampère les honoraires de la garde : soit 32 journées à 3 l. en ajoutant : « Le surplus qu'elle a resté et qu'elle restera encore sera payé par M. Potot qui sait bien que Mme Ampère a encore besoin des soins de cette garde. »

Please cite as “L329,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L329