To Claude-Julien Bredin   août 1807

[Août 1807]

Mon ami, quelle pensée triste est cachée sous ces mots : J'aurais peut-être autant besoin que vous de consolations. A quoi cela se rapporte-t-il ? Est-ce à votre pauvre enfant dont vous me parlez quelques lignes plus haut ? Est-il donc malade à ce point ? Ne donnez plus à mon imagination le tourment de deviner vos peines inconnues. J'ai beau dire dans ma métaphysique qu'il y a des sentiments désintéressés ; suis-je donc désintéressé en vous aimant, en prenant part à tout ce qui vous touche ? Est-ce que Bredin est un autre que moi ? Vous avez raison ; je ne suis pas résigné, mais épuisé. Par moments, mon intelligence me semble réduite à celle d'un animal. Une bêtise dite devant moi me fera rire comme un enfant, Tout m'est égal : que ma vie s'écoule ou se consume ici ou là, mes efforts sont vains pour prier. Si notre ami Roux connaissait ma peine, il ne m'écrirait pas sur ce ton. A sa lettre, je ne pourrais répondre que par ces mots : tranquille et content. Isolé comme je l'ai toujours été à Paris, comment savoir ce qu'il me demande au sujet de Mme Scio ? 1 C'est vraiment barbare de me donner de pareilles commissions. Ce n'est pas sa faute, il ignore tout ce qui se passe. Qu'il l'apprenne, je vous en prie ; sinon je n'aurais pas la force de le revoir. Et puis Mme Maléchard me prie de lui dire si l'étude du grec est digne d'occuper longtemps un jeune homme ; je pense que oui. J'ai essayé de répondre moi-même, mais j'ai déchiré ma feuille commencée ; je ne saurais parler ni écrire sans la plus affreuse contrainte à ceux qui peuvent me croire heureux.

(2) Angélique Legrand, dame Scio, cantatrice, née en 1770, morte en 1807 ; elle avait épousé Scio, violoniste et compositeur qui mourut en 1796. Elle se remaria avec un nommé Messié ; mais, ayant divorcé en 1806, elle reprit le nom de Scio

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