To Claude-Julien Bredin   16 août 1807

[16 août 1807?]

Hier, j'ai perdu une partie de mon temps à voir l'Empereur à Notre-Dame. Tout le monde était en fête. Ce contraste avec ma tristesse me rendait encore plus malheureux. Lenoir est venu dîner avec moi ! De ma fenêtre nous avons regardé le feu d'artifice. J'ai passé des journées moins inutiles que celles-là à Lyon, quand je les employais à chercher les preuves de la religion chrétienne, à travailler à me rendre meilleur ; mais que de mélange, même alors, en moi ! Que de présomption, de vanité !

Merci de la petite chambre que vous m'offrez, j'y serai près de vous ; cette perspective prochaine est bien douce. Quelle joie de retrouver nos amis ! Poleymieux m'attirera d'abord, ma mère, mon fils. Que vous dites vrai sur cette absence générale d'enthousiasme pour tout ce qui est beau, grand et noble ! Les réputations scientifiques ressemblent à celle de Pompée dans sa vieillesse ; comme dit Lucain : Stat magni nominis umbra. L'habitude seule fait considérer les hommes étonnants ; voyez si l'on s'occupe maintenant de Montgolfier !

Roux saura que j'ai été exprès aujourd'hui au Jardin des Plantes pour demander à Laugier, que je connais à peine, des nouvelles de MM. Calais et Vallée. J'ai prié M. Dauvergne qui est en relation avec les théâtres, de me procurer des renseignements sur Mme Scio. Vraiment je ne puis rien savoir directement en cette occasion. Notre ami m'avait chargé aussi de demander à Thénard et à Poisson où était Mme Gail 1. Le premier s'est mis à rire de ma question sans vouloir y répondre. D'après cette tentative ; je n'ai pas voulu en parler à Poisson.

Ne m'écrivez plus à Paris, mais à Poleymieux ! Vous serait-il possible de venir coucher samedi 22 2 chez ma mère ; nous passerions à la campagne une partie du dimanche et je vous accompagnerais à Lyon après le dîner. Faites-moi cette promesse, nous avons tant de choses à nous dire !

(2) Sophie Carre, dame Gail (1776-1819), fille d'un chirurgien connu et mariée à un helléniste, membre de l'Institut, en 1794, mais bientôt séparée de lui, et lancée dans une vie à cascades nombreuses. Cantatrice et compositeur, de romances et d'opéra-comique. L'helléniste Jean-Francis Gail, mort en 1845, était son fils.
(3) Mme Cheuvreux a imprimé samedi 28. Il faut lire 22 d'après la lettre suivante de Bredin. Elle a en outre daté la lettre de septembre 1808, ce qui est à tous égards impossible. A cette époque Ampère tutoyait Bredin depuis un an.

Please cite as “L335,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L335