To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   2 mai 1800

[1534] Du Vendredi matin [2 mai 1800]

Je t'écris à la hâte, ma bonne amie, des nouvelles de Madame Périsse. elles sont on ne peut meilleures, Julien Périsse est né hier entre 7 et 8 heures du soir 1. On m'a dit que ta sœur n'avait pas été tourmentée aussi longtemps qu'on l'est ordinairement, et que c'est ce qu'on appelle une couche des plus heureuses. Je fus la voir à 8 heures un quart ; elle me dit bonjour et m'embrassa ; j'embrassai aussi Marsil de bon cœur. j'aurais aussi voulu baiser le petit Julien, mais on me fit sortir de la chambre par ordre du médecin ; je baisai seulement le bas de son lange. Il était dans une petite balle , avec un rideau vert ; il est bien joli, mais il a une[1535] grande bouche comme son parrain. J'attends Louison qui est allée chez ta sœur pour te donner des nouvelles plus fraîches.

Quand elle \Louison/ m'a éveillé ce matin, que je faisais un joli rêve ! Ma bonne amie, quel tort elle m'a fait ! Je rêvais qu'une douce voix me réveillait et que je voyais ouvrir mes rideaux par ma Julie arrivant de S[ain]t-Germain pour voir \[illisible] voir/ sa sœur, et venant d'abord voir \chez/ son mari. Elle n'avait qu'un jupon de bazin, un corps de toile et un petit mouchoir qui laissait entrevoir quelque chose de bien blanc et deux boutons de rose. Ah, ma bonne amie, comme je t'embrassais de bon cœur, quand la grosse voix de Louison a frappé mon oreille au lieu de cette voix si douce que j'aime[1536] tant ! Ce réveil m'aurait mis au supplice sans l'espérance de revoir demain ma Julie et de l'embrasser réellement !...

Ma bonne Julie, que deux jours et une nuit sont encore longs ! Quand te retrouverai-je dans mes bras, sur mon sein \cœur/, ma bonne amie Ma bonne amie, que je t'aime ! Je t'écris en donnant une leçon qui me détourne sans cesse, et je ne sais ce que je sens, mais je sens bien ce que j'éprouve.

Adieu, M. Lescure m'a[pp]èle \arrive/ et il faut te quitter pou[r] lui ; je ne sais ce que je lui ferais ! Louison vient de revenir, tout va le mieux qu'il est \du monde/ possible. Julien venait de \a/ tété pour la première[] fois. On ne me laisse que le temps de te dire adieu, et de t'embrasser bien fort, en attendant demain... Mille [baisers] à ta maman et à ma bonne élise. Adieu, ma chère amie, ma Julie, ma bienfaitrice, celui qui t'aime. A. AMPÈRE

A Madame Ampère, la jeune, chez Mme Carron, à Saint-Germain.
(2) Ce Julien figure sur les actes sous le nom d'André-Jules, né le 30 avril 1800, à Lyon.

Please cite as “L35,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L35