To Claude-Julien Bredin   17 mai 1808

[17 mai 1808]

Tout est accompli. L'affaire a été jugée à 2 heures à la Cour d'appel. L'arrêt, complètement à ma faveur, n'améliore pas ma situation. Cette liberté n'est point une peine légère : c'est la fin de toute espérance. Oh, mon ami, depuis que j'ai cessé de penser comme toi, les consolations que je trouvais ici se sont évanouies. Tu crois que je reviendrai à tes idées, je n'en sais rien ; mais les événements semblent naître et s'enchaîner exprès pour m'y ramener. Tu me fais une peinture vraie des douleurs de l'homme sur la terre ; c'est le plus malheureux des êtres qui la couvrent : sa volonté ne sert qu'à créer des tourments pour lui et pour ses semblables.

Je me sens anéanti. Ce n'est qu'avec un très pénible effort que je puis lier mes idées mathématiques : mon âme est glacée. Te rappelles-tu le temps où je goûtais tant de plaisir à faire le bien, du moins ce que je croyais tel ? Ce souvenir me sera toujours cher. D'autres ont abandonné Dieu pour les joies de ce monde ; moi, je n'y ai renoncé que pour me procurer les chagrins les plus amers.

Adieu, ma lettre est courte, et cependant j'ai mis deux jours à l'écrire. Adieu, adieu, un des seuls soutiens qui me restent.

Please cite as “L350,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L350