To Jacques Roux-Bordier   20 octobre 1810

20 octobre 1810

Je viens, mon cher Roux, de recevoir votre seconde lettre, où vous réclamez avec raison le Mémoire sur la charrue 1. Il est à Lyon dans les mains de Ballanche qui devait le remettre à Bonjour après m'en avoir envoyé une copie sur laquelle je pusse faire les observations que je vous avais promises. J'avais adopté ce mode pour que vous puissiez les avoir sans que l'original sortit des mains de Ballanche et de Bonjour à qui vous m'aviez chargé de le remettre. Il ne fallait que quelques jours pour tout cela ; je devais avoir la copie en 8 jours et vous les observations en 15 jours. Voilà un mois d'écoulé sans que j'en aie aucune nouvelle. J'en ai écrit à Ballanche ; point de réponse. Je ne sais si vous avez reçu ma lettre où je vous en parlais aussi et de plusieurs autres choses ; elle était adressée à M. Roux de Moleron à Montélimar ou au Moleron près de Montélimar , département de la Drôme 2. Si elle ne vous est par parvenue, vous me feriez bien plaisir de la faire réclamer à la poste de Montélimar .

Je suis toujours enchanté des rapides progrès de la chimie. Voilà toutes les terres décomposées, de nouveaux métaux généralement reconnus pour tels ; M. Davy soutenant que le gaz oxy-muriatique est un corps simple, un second oxygène qui acidifie l'hydrogène, le soufre, l'étain, le phosphore, etc. Par contre, on cherche à décomposer l'azote que l'on soupçonne d'être un oxyde. Vous savez qu'il y a déjà deux ans que je disputais pour soutenir ces deux dernières opinions. Que le gaz oxy-muriatique soit simple ou non, on doit l'appeler simple puisqu'il n'est décomposé dans aucun cas connu, d'après la définition du mot corps simple dans la chimie moderne. C'est sa base fondamentale d'appeler ainsi tout corps dont on ne peut en aucune manière séparer des éléments plus simples. Or il est bien démontré qu'on ne retire jamais de l'oxygène de la combinaison du gaz oxy-muriatique avec une autre substance qu'autant que celle-ci en contient : par exemple, en le combinant avec l'hydrogène de l'eau, ou le métal d'un oxyde ou d'une terre, ce qui est aujourd'hui la même chose.

Pour la psychologie je n'ai pu y donner un seul moment depuis ma dernière lettre. La pratique de la chimie va aussi bien que la théorie. Voici qu'on vient de prendre un brevet d'invention pour un moyen de fabriquer l'acide sulfurique et par conséquent la soude à six fois meilleur marché qu'auparavant. Le succès est certain.

Adieu, mon cher Roux, portez-vous bien, soyez bien heureux, aimez-moi toujours et écrivez-moi le plus que vous pourrez. Tout à vous. A. Ampère

(2) Voir les lettres p. 309-310 et p. 859-860 où il est également question de cette charrue.
(3) Voir la lettre du 16 août 1810, p.873-874.

Please cite as “L367,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L367