To Jean-Marie Périsse-Marsil   janvier 1811

[Janvier 1811]
[981]Cher frère et bon ami,

J'ai mille excuses à te faire de n'avoir pas encore répondu à ta dernière lettre. Tu as su par celle que j'ai écrite à Périsse que l'affaire pour laquelle il m'avait écrit est autant qu'arrangée, et que j'ai fait tout ce qui convenait dès que j'eus reçu la sienne. Heureusement que je me suis trouvé lié avec M. Pagès, qui présente la voie la plus courte et la plus sûre pour réussir dans les affaires de ce genre. Je le reverrai incessamment pour qu'il ne néglige absolument rien, ainsi qu'il me l'a promis, pour hâter la décision qu'il pense au reste ne pouvoir avoir lieu que dans deux ou trois mois.

Ce n'est pas ma faute si je ne t'ai pas écrit plus tôt. Oh, non, ce n'est pas ma faute ! A cette heure que voilà la fin de mon cours à l'école Polytechnique, j'y passe presque tout le jour à interroger les élèves, et cela, joint aux autres choses que j'ai à faire et qu'il m'est[982] impossible de toutes les faire, m'accable et ne me laisse pas un moment pour respirer. Voilà ce qui m'a empêché aussi d'écrire jusqu'à aujourd'hui à Mme Carron 1 ; pourrais-tu lui offrir mes regrets, mes excuses ? Je te dirai d'ailleurs, entre nous, que j'attends de pouvoir lui envoyer quelque chose que j'ai pensé pouvoir lui faire plaisir et qui n'est pas tout à fait achevé.

J'ai fait tout ce qui dépendait de moi pour M. Lambert qu'elle m'avait recommandé. Il désirait une place pour laquelle je l'ai réuni à un ami particulier de M. François de Nantes. Celui-ci lui expliqua dans le plus grand détail et après avoir pris connaissance de toutes les circonstances, tout ce qu'il avait à faire. M. Lambert goûta fort tout cela, promit de m'envoyer le lendemain la pétition que j'aurais remise à ce monsieur  ; mais il m'a écrit à la place qu'il ne voulait rien faire pour le moment par cette voie, préférant celle du Ministre de la Guerre. Ce qui m'a surpris, c'est qu'il a depuis lors évité de me voir. Cher frère et cher bon ami, pourquoi parais-tu regretter dans ta dernière lettre de[983] m'avoir parlé dans une précédente, du choix bizarre que le Recteur de l'Académie de Lyon a fait pour l'impression des livres classiques ? Cela m'a fait du chagrin, et beaucoup, mais je ne pouvais y avoir aucune influence, puisque cela se décidait à Lyon par des personnes qui ne se soucient nullement de moi, et que je n'avais aucun avis qu'elles allaient faire ce choix. Si, du moins, j'avais eu le moindre vent de tout cela à mon passage à Lyon, j'aurais fait ce que j'aurais pu faire auprès du Recteur. J'ai de moins vifs regrets à cet égard en pensant qu'il ne m'aurait probablement pas écouté et j'ai de bonnes raisons de le croire.

Je suis obligé de te quitter, cher frère, bon ami, pour aller à l'école Polytechnique. Je ne veux pas différer plus longtemps le départ de cette lettre commencée depuis plusieurs jours, et que je n'avais jamais le temps de continuer. Je t'embrasse mille fois de toute mon âme ainsi que ton aimable famille. Adieu, sois bien sûr que, si je pouvais t'être de quelque utilité, ce serait un grand plaisir pour moi. Ton dévoué frère, A. Ampère

A monsieur Périsse Marsil libraire-imprimeur, grande rue Mercière, n° 15, à Lyon (Rhône)
(2) Belle-mère commune de Périsse et d'Ampère.

Please cite as “L372,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 20 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L372