To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)    septembre 1800

[1506]Du mardi soir [Fin septembre 1800]

Avec quelle inquiétude je t'ai quittée, ma bonne amie, malade et triste, pauvre Julie ! Quand pourrai-je savoir que tu te portes un peu mieux, que le petit te laisse dormir et que tu peux en profiter ! Je ne saurai point de nouvelles de toi peut-être de toute la semaine, de huit jours, car je compte toujours huit jours d'absence et il me semble que c'est \[illisible]/ encore plus long, tandis que les deux jours que je passe de \à/ S[ain]t-Germain sont si \[illisible]/ vite écoulés ! Je ne sais ce que je serais devenu en venant ici ce matin seul avec tant d'inquiétudes et de pensées affligeantes,[1507] si je n'avais pas senti en même temps que j'étais toujours cet homme né pour être mille fois plus heureux qu'aucun autre : si je ne l'avais pas senti à la douce pensée que ma Julie m'aimait toujours, au souvenir des derniers baisers qu'elle m'a donnés. T'en ressouviens-tu de ces baisers de ce matin, qu'ils étaient tristes à la fois et délicieux ! Quand pourrai-je en avoir encore, et puis encore et encore ; je n'en serais jamais rassasié, si je pouvais en avoir autant que j'en désire ; mais, ma pauvre petite, je ne veux que ceux qui te feront plaisir à me[1508] donner \me donner/. Ma bonne amie, ma bienfaitrice, ma bien-aimée, je voudrais pouvoir te dire combien je t'aime aujourd'hui. Je ne peux que te le laisser deviner. Il n'y a point d'expression pour le rendre, ma Julie. C'est comme tous les jours, mais c'est encore plus que tous les jours, parce que je pense davantage à ce que tu as fait pour moi. Quand je vois tout ce qu'il t'en coûte pour faire mon bonheur et ce qu'il t'en coûtera encore pour faire celui du petit être qui est ton enfant et mon enfant, il y a là une idée bien douce. Ma Julie,[1509] ma Julie, que je t'aime ! Que je voudrais être toujours près de toi ! Je n'ai pas encore vu tes cousins parce que j'ai couru tout le jour pour savoir des nouvelles du Prytanée , de l'école centrale 1, etc., sans en avoir rien appris. Du mercredi matin Je comptais t'écrire aujourd'hui plus au long ; mais Louison , qui espère une occasion, ne me laisse que le temps de t'embrasser mille fois. A. AMPÈRE

A Madame Ampère la jeune, à S[ain]t-Germain-au-Mont-d'Or.
(2) Ampère, ne gagnant pas assez à donner des leçons particulières, cherche alors à obtenir une place dans un Prytanée ou une École centrale : ce qui réussit seulement en février 1802.

Please cite as “L39,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L39