To Claude-Julien Bredin   1812

[Printemps 1812 ?]

[22]Il y a déjà longtemps, mon bon ami, que je ne t'ai pas écrit. Il y a bien longtemps que je n'ai pas eu de tes nouvelles. Quoique mon cours à l'école Polytechnique soit fini, je n'en ai pas plus de temps à donner au plaisir d'écrire à ceux que j'aime. Comme il est triste de voir ainsi sa vie toute absorbée par des occupations toutes opposées à celles que je choisirais si ce choix m'était libre.

Cher ami, je n'ai point encore de certitude de pouvoir te voir cette année, car les Commissions des inspecteurs n'ont point encore été arrêtées par le grand Maître. Une chose aurait pu me consoler d'être privé de ta vue, ce serait de songer que ta[23] famille est établie à Poleymieux dans cette maison où j'ai passé mes premières années et des temps de calme et de bonheur qui ne renaîtront plus pour moi. Je t'avais écrit à ce sujet en te priant de me dire si je pouvais espérer la douce satisfaction que j'aurais à penser que cette maison vide, et qui probablement l'est pour longtemps, n'est pas inutile à mon ami et à sa famille, à penser que ma petite Agathe et ses frères et ses sœurs que j'aime tant. Tu ne m'as pas répondu ; est-ce par oubli ou si mon malheur a voulu que cela se trouvât dans la lettre qui s'est égarée ?

Dans tous les cas, dis-moi, mon bon ami, si tu pourras accomplir cette année un projet formé déjà les autres années et que je désire plus vivement que jamais de voir enfin exécuté. Donne-moi en même temps des nouvelles de ta femme et de tes enfants, de M. et Mme Bredin. Rappelle-moi à leur souvenir ; parle de moi à nos amis quand comme je le désirerais ; mais je n'en pense pas moins sans cesse à eux, en regrettant toujours plus vivement de m'être séparé d'eux.

Ah, mon ami, que de [illeg], d'éternels regrets ! J'ai eu hier une conversation de deux heures avec[24] Tesseyre. Heureuses illusions ! Tesseyre t'aime bien.

Adieu, mon bon ami ; comme une lettre de toi me ferait plaisir ! Combien j'en ai besoin ! Puisse-t-elle m'annoncer que tu fais des préparatifs pour l'établissement à Poleymieux !

A monsieur Bredin fils Professeur d'anatomie à l'École vétérinaire, près des portes de Vaise, à Lyon (Rhône)

Please cite as “L405,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 20 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L405