To Claude-Julien Bredin   16 janvier 1812

[167] 16 janvier 14 [1812]

Cher ami, j'avais commencé il y a huit jours une lettre pour toi, en réponse à ta précédente ; il n'y en a eu, je crois, que quelques lignes d'écrites, elle est restée sur mon bureau mêlée dans tant de papiers que je ne l'ai plus retrouvée. Je n'ose plus toucher à ces papiers, tant il y a de choses auxquelles je n'ai pas répondu, quoique je dusse le faire absolument. Je viens de recevoir ta dernière, et j'écris tout de suite pour qu'il n'en soit pas de même que l'autre fois. Parmi ce fatras de papiers, il y a aussi une lettre de Roux, à laquelle je me propose tous les jours de répondre. Il doit bien m'en vouloir. Il m'en a envoyé en même temps une pour Prial que je lui porterai incessamment. Pourquoi ne la lui ai-je pas déjà portée ? Pourquoi ? Parce que je ne puis rien faire !

J'ai cependant envoyé un gros paquet de métaphysique à Maine de Biran. Il y avait longtemps qu'il m'avait écrit de lui répondre enfin en un mot sur un tableau de psychologie de sa façon qu'il m'avait envoyé, et qui ressemble extrêmement au mien, quoique la nomenclature en soit différente. Il y a aussi plus de subdivisions, et le système sensitif y est coupé en deux systèmes ; mais le fond des idées me paraît tout à fait[168] semblable.

J'ai vu l'autre jour M. Degérando ; je lui ai demandé ce qu'est devenue l'affaire du beau-frère de Dupré dont tu ne m'as pas écrit le nom. Il ne savait plus de quoi je voulais parler, quoique je lui eusse dans le temps laissé ta lettre avec toutes sortes de recommandations. N'ayant pu lui dire le nom de ce jeune homme, ni en quoi consistait son affaire puisque je ne l'ai jamais su, je me suis trouvé bien embarrassé. écris-moi, je t'en prie, ce qu'est devenue cette affaire et tous les détails qui pourront me servir à la rappeler à M. Degérando si elle n'est pas terminée en bien ou en mal. Dis, je t'en prie, mille choses de ma part à Dupré s'il est dans ce moment à Lyon !

Mon ami, cette lettre que je viens de recevoir de toi a versé un baume sur mes peines. Il n'y a plus que toi au monde qui m'aime, comme je conçois l'amitié, comme[169] je la sens. Je suis tout dans la métaphysique, depuis la lettre de Maine de Biran, j'ai revu mon tableau pour y changer encore quelques noms, et perfectionner la partie des affections et déterminations que j'avais moins travaillée que celle de l'entendement ; je pourrai peut-être t'envoyer cela si tu en es curieux. Plains ton ami de vivre loin de toi et de la seule autre personne que j'aurais pu aimer comme toi ! Embrasse-moi pour tous nos amis ! Songez au pauvre Ampère ! Je ne sais point encore de quel côté je voyagerai l'année prochaine. Tu me dis que tu as besoin de me voir ; combien j'ai plus besoin de te voir !

Je viens de chez Tesseyre. J'ai passé une heure avec lui. Qu'il est heureux, lui, dans ses peines ! 1 Donne-moi donc des nouvelles de Barret.

Va voir Bonjour et Ballanche de ma part ! Tu les embrasseras pour[170] moi, ils t'embrasseront pour moi. écris-moi, tes lettres sont ma seule consolation.

Adieu, adieu, mon ami, je t'embrasse de toute mon âme. Donne-moi des nouvelles de tes parents, de ta femme, de tes enfants. Ton ami.

A monsieur Bredin fils Professeur d'anatomie à l'École vétérinaire, près des portes de Vaise, à Lyon (Rhône)
(2) Tesseyre était entré au séminaire.

Please cite as “L407,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L407