To François Carron (frère de Julie)   4 juin 1812

4 juin 1812

Cher frère et bon ami. Je voulais t'écrire de Nice, mais nous en sommes partis avant que j'aie pu le faire. J'y ai vu au lycée le fils de M. Issaurat et son neveu. Ils se portent bien et je les ai recommandés de mon mieux au proviseur, au censeur, et à leurs professeurs. Je n'ai pas pu interroger le neveu de M. Issaurat parce que c'est mon collègue qui a examiné seul la classe où il se trouve. Mais comme nous avons examiné ensemble celle de son fils, j'ai interrogé le jeune homme ; il nous a lu sa dernière version, elle était une des mieux faites. J'ai vu, sur la liste par ordre de mérite des élèves de cette classe, qu'il est le sixième sur plus de vingt ou trente : ce qui est une place satisfaisante. J'ai aussi vu à Tournon les deux enfants de M. Charles Baudin. Il avait été les voir peu de jours auparavant avec Mme Baudin. On en est content, surtout du cadet qui, moins avancé que l'aîné, a plus de vivacité et de dispositions. Il m'a paru un charmant enfant...

Je conjecture d'après une lettre de ma sœur que tu lui as prêté de l'argent pour son voyage. C'est un service dont je te remercie de tout mon cœur. Pour que tu puisses en être remboursé, je joins ici une procuration avec laquelle tu recevras chaque mois 480 francs, montant de mon traitement à l'Université, déduction faite du vingtième destiné aux pensions de retraite. Il y a, dans ce moment, le mois de mai qui vient d'échoir et qu'on te remettra sur le champ. Tu laisseras la procuration à M. Charles Delambre, caissier de l'Université, une fois qu'il l'aura lue avec toi. Je crois me souvenir d'ailleurs qu'il t'a déjà vu et il te reconnaîtra. C'est ainsi, au reste, que je suis convenu avec lui de faire en pareil cas. Il faut y aller toi-même afin que tu puisses signer à ma place l'état de chaque mois. Le bureau de M. Charles Delambre est à l'Université, c'est-à-dire au Palais du Corps législatif, la seconde porte qui est précisément à l'entrée de la portion de rue qui va de la place du Corps législatif à celle des Invalides, à droite en entrant dans cette rue. Le portier t'indiquera son bureau. Jusqu'ici j'ai fait un très bon voyage par un temps toujours à souhait, excepté de Paris à Lyon que j'eus beaucoup de pluie ; mais il n'a pas été question de maux de dents. J'ai laissé ta Maman et toute la maison Périsse en bonne santé à l'exception d'une légère indisposition de Mlle Périsse, mais tout le monde était bien affligé de la perte de M. Périsse l'aîné. Mme Camille Jordan qui était alors à l'extrémité, est parfaitement bien à présent d'après les nouvelles que j'en ai eues à Nice. Puissiez-vous vous porter tous à Paris aussi bien que moi !

J'ai encore, mon cher frère, à te faire d'autres remerciements des bontés que tu as pour mon petit qui va passer chez toi ses jours de congé en l'absence de Joséphine. Cela m'a fait un bien grand plaisir et la pensée de trouver ainsi sans cesse de nouvelles preuves de ton amitié pour moi redouble encore ce plaisir. Tu sais qu'il a un caractère un peu trop vif ; je te prie de le raisonner un peu et de lui déclarer qu'il resterait à sa pension s'il donnait chez toi le moindre sujet de plainte. J'espère qu'il en est incapable. Je te prie, cher frère et bon ami, de faire mille amitiés de ma part à ta femme, à élisa et à Pignot. Si tu n'as pas le temps de me donner de tes nouvelles et des leurs, prie ma sœur à qui j'ai donné mon adresse de m'en donner. J'espère aussi qu'elle m'en donnera de mon petit. Adieu, cher et bon ami, je t'embrasse de toute mon âme. A. Ampère

P. S. J'oubliais de te dire, pour M. Issaurat, que le proviseur du Lycée de Nice est un homme admirable, que les professeurs sont très bons, que la discipline est excellente et que c'est en un mot un Lycée à souhait.

A M. Carron, courtier de commerce, rue du Faubourg-Saint-Denis, n° 19, à Paris.

Please cite as “L415,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L415