To Claude-Julien Bredin   4 septembre 1812

[Vers le 4 septembre 1812]

[illeg] [163]Je vois en fermant cette lettre que tu peux, en détruisant le premier feuillet, conserver l'autre avec le tableau pour les remettre, s'il veut les lire, à l'excellent Camille. Mon cher ami, je suis désespéré de t'avoir écrit que, si tu m'écrivais depuis ma dernière lettre, je ne recevrais probablement pas la tienne . Je comptais partir aujourd'hui, et voilà au moins huit jours de retard forcé par les affaires de l'Université. Qui sait si ensuite je pourrai partir ? J'aurais eu dans trois jours de tes nouvelles, et je ne puis en avoir que dans huit, si l'amitié ne t'a inspiré de m'écrire à tout hasard malgré ce que je te disais de mon prochain départ.

Tu sens bien que, dans la peine continuelle où je suis, je n'ai jamais eu tant besoin d'une lettre de mon ami... Je suis surtout tourmenté de n'avoir pu t'écrire que d'une manière trop abrégée, pour n'être pas ambiguë, des événements faits pour tourmenter singulièrement tous ceux qui y étaient intéressés. Je me suis souvenu d'une phrase qui a pu présenter un sens[164] tout différent de celui que je voulais exprimer. C'est celle où je me suis servi de l'expression : manquer à tout ce que l'on doit à quelqu'un. J'ai compris en m'en rappelant qu'elle présentait, dans l'usage ordinaire, un sens auquel je n'avais point songé en l'écrivant.

Manquer à tout ce qu'on doit à quelqu'un, signifiait dans ma lettre s'éloigner de quelqu'un à qui l'on doit autant d'amitié que de reconnaissance, pour porter ces sentiments à un autre. A présent, tout a tourné précisément comme tu aurais pu le désirer, si tout cela s'était passé sous tes yeux.

T'ai-je dit que j'avais reçu le 14 août dernier une lettre de Davy qui a été dix-huit mois en route, et qui est très flatteuse pour moi ? Je viens d'y répondre. C'est surtout sur la nature de l'acide fluorique.

Depuis quelques jours, j'ai retrouvé assez de paix d'esprit pour m'occuper de nouveau de métaphysique. J'y trouve tous les jours plus de charme. C'était là[165] ma vraie destination ; pour cela sur la terre ! Me refuseras-tu de lire ce que je t'ai envoyé là-dessus ? Cette réponse à Maine de Biran, où il y a autre chose qu'une réponse, où il y a presque tout sur le quatrième système si je m'en souviens bien ! Sais-tu que c'est définitivement la nomenclature ébauchée avec toi sous les arbres de la maison Schrimpf un matin qui doit rester ? Quel bonheur j'eus ce jour-là d'y penser ! T'en souviens-tu de ce jour qui est déjà englouti avec les autres ? Comme cette nomenclature est simple, facile, comme elle rend tout ! Je la joins ici telle qu'elle restera.

J'y joins une légère définition par un exemple souvent pris au hasard, des différents modes d'union conservées, que je nomme d'un nom commun des commémorations. Il y a, en tête du tableau, des noms communs analogues à celui-là pour tout.

[166]Tu connaîtras aisément, mon bon ami, que j'appelle ici agrégation la formation de tout groupe d'impression de même nature par juxtaposition continue de ces impressions. Agrégation, qui, comme toutes les autres manières dont des éléments se réunissent en groupe, est immédiate quand les éléments sont donnés tout groupés ou réunis, progressive quand il se forme une chaîne d'union immédiate par des parties communes, et qu'enfin il y a une troisième sorte de réunions qu'on pourrait en général nommer irrégulières, mais qui portent dans chaque système une épithète particulière plus caractéristique. J'ai appelé associations toutes les réunions qui dépendent des idées ou rapports de ressemblance, ou dissemblance des choses comparées.

Dis-moi de tous les mots de ce dernier tableau quels sont ceux qui te semblent encore mauvais ou insignifiants ! Dis-moi ce que tu penses, ainsi que Camille, de cette lettre et de la précédente qui t'a été remise par M. Andrieux. Adieu, cher ami, je t'aime et t'embrasse de toute mon âme. écris-moi vite !

Please cite as “L424,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 4 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L424