To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   16 octobre 1800

[1412]
Du Jeudi matin [16 octobre 1800]

[hand: André-Marie Ampère]Comme ma lettre n'est pas encore partie, je la rouvre pour t'annoncer la délivrance de Mme Carron, qui a accouchée hier d'une fille 1. Elle n'a été qu'une heure aux grosses douleurs et cet accouchement serait des plus heureux sans les coliques qui la tourmentent beaucoup, elle en a de très fortes. Monge, l'examinateur pour l'école polytechnique 2, est arrivé hier. On commence aujourd'hui à 9 heures le concours. Le préfet m'a écrit pour m'inviter à y assister ; j'y vais[1413] et je remets à ce soir à te donner des détails sur le succès qu'aura eu Derrion à cet examen, quand j'aurai vu la manière dont il s'en acquittera . Ce succès est, comme tu sais, très important pour moi ; il pourra m'amener peut-être de nouveaux élèves, et de l'argent dans la bourse de ma bien-aimée. Du jeudi soir J'ai passé une partie du jour sans travailler pour ma Julie, car j'avais été obligé de renvoyer mes élèves du matin à l'après-dînée. La journée m'a paru[1414] plus longue. Ma bonne amie, comme le but du travail l'embellit à mes yeux ! Il n'y en a point de si pénible qui ne me parût doux \[illisible]/ s'il pouvait \quand il doit/ arrondir ton petit trésor, si petit trésor qu'à peine y aura \suffira/-t-il pour \a/ fournir aux dépenses qui vont t'accabler à ton retour, ma pauvre petite. Que je voudrais être près de toi ! Voilà, de toutes les semaines que j'ai passées seul, une de celles qui me coûtent le plus. Je n'ai quel[1415] souvenir de t'avoir, sans le vouloir, empêchée de dormir la dernière nuit que je t'ai sentie près de moi me revient sans cesse à l'esprit pour me tourmenter. Ma bonne Julie, ma tendre amie, je [illisible] n'ai rien fait jamais pour ton bonheur et tu as tout fait pour le mien. Tu es si bonne, tu es si bonne ! O ma pauvre amie, aime-moi, je t'en prie toujours, comme tu m'aimais en me disant adieu : cet adieu qui ne sortira jamais de ma mémoire. J'avais pris la plume, ma Julie, pour te dire que Derrion s'en est tiré parfaitement, et mon cœur, au lieu de cela, s'écoula sur le papier. Pardon, ma bonne amie ! Mille baisers. A. AMPÈRE

(2) Jeanne-Antoinette Carron, née le 15 octobre 1800, à Lyon.
(3) Il s'agit de Louis Monge et non de son frère Gaspard Monge. D'après un arrêté du 2 août 1795, les examens devaient s'ouvrir en principe le 22 octobre (1er brumaire) pour que les élèves reçus pussent être rendus à Paris le 21 décembre (1er nivôse).

Please cite as “L43,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L43