To Claude-Julien Bredin   5 avril 1813

[301] 5 avril [1813]

Mon bon ami, tu me dis que tu ne devrais pas être impatient. Oh, si, tu devais l'être, tu devais être en colère de mon silence, ne sachant pas que je t'avais écrit, avant ma dernière lettre, une autre lettre qui est encore dans les mains de M. Huzard, à qui je l'avais remise un jour qu'il croyait partir dès le lendemain, ou tout au plus le surlendemain. J'ai toujours eu du regret de la lui avoir laissée, car je ne me pardonnerai jamais du retard de mes lettres ; et même à présent voici encore qu'il faut t'écrire à la hâte !

Mon bon ami, je t'avouerai que ma tête s'était tellement montée sur l'odieuse injustice qu'il y aurait à ce que tu ne fusses pas nommé, que j'ai été frapper à toutes les portes, vu toutes les personnes que je pouvais connaître qui eussent quelques relations avec le Ministère  : plusieurs personnes que je ne connaissais nullement et chez qui j'ai trouvé d'autres personnes qui ont bien voulu me conduire ! J'ai absolument épuisé tous les moyens que je pouvais me procurer et j'ai à présent de bien bonnes espérances. M. Rigault, qui est député au corps législatif et à qui[302] j'avais eu recours après neuf autres personnes comme un petit supplément, vient de m'écrire un petit billet que je t'envoie.

Ta dernière lettre m'a fait bien souffrir par la manière dont elle peint vivement ta douleur, et les tristes circonstances qui te la rappellent sans cesse. Quelle consolation pourrai-je t'offrir ? La seule est dans cette conviction qu'il te voit et te parle au fond de ton cœur, l'homme excellent que nous avons perdu et cette consolation ne te quitte pas. En me disant que ta santé est rétablie d'un choc si terrible, tu as fait un grand plaisir à ton ami... Tout mon temps a été si absorbé pendant huit ou dix jours à courir après les moyens de faire parvenir par différentes voies tes titres au Ministère et, depuis, par l'envie de faire de différentes personnes des partisans à ce que j'appelle mes découvertes, que j'ai à peine vu Mme Duval, et qu'il ne m'est même pas resté le loisir de penser à voir M. de Puységur, quoique j'en eusse une envie démesurée. Voilà que celui qui travaillait à la guérison de Mlle[303] Machinka est tombé malade ; le traitement se trouve ainsi interrompu. On voudrait que M. de Puységur s'en chargeât ou en indiquât un autre ; car ce traitement avait déjà produit un peu d'audition dans une des oreilles, et un écoulement d'humeurs dans toutes les deux qui n'avait jamais existé, et paraissait être un bien bon signe. Tu dois savoir tout cela, car Mme Duval et la douce malade t'ont écrit.

Je dois aller samedi prochain avec ces dames au Jardin des Plantes, et tout visiter au moyen d'un billet que je dois à M. de Jussieu, parce que c'est un des jours où le public n'est pas admis. Nous parlerons bien de toi. Mme Duval m'a dit que Ballanche se propose de venir à Paris ; écris-le moi, je t'en prie, et, si cela est vrai, marque-moi l'époque de son voyage ! Prie-le, je t'en prie, ou de le faire sur-le-champ pour que je le voie ici avant mon départ, ou de le retarder jusqu'au commencement de mai. Si cela peut l'y engager, dis-lui, mais sous le secret, que je serai alors à Lyon avec Mussy et qu'il faut de[304] toute nécessité que je l'y voie à cette époque,si je ne puis le voir à Paris avant mon départ peu après Pâques. Adieu, mon bon ami, pense à moi comme je pense sans cesse à Bredin et aime-moi comme je t'aime !

Je t'embrasse mille fois de toute mon âme, et te prie d'offrir mes respects les plus empressés à ta mère et à ta femme, et de donner pour moi deux baisers à chacun de tes enfants. A. Ampère.

A monsieur Bredin Professeur d'anatomie à l'École vétérinaire, à Lyon (Rhône)

Please cite as “L443,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L443